Ainsi va le cours du monde : il nous faudra composer de plus en plus avec l’exil. Il y a d’abord l’évidence, sous nos yeux, de l’exil forcé de ceux poussés loin de chez eux par la misère, la guerre ou l’irresponsabilité écologique. Juste sous nos yeux, il se développe trop souvent comme la perpétuation d’un drame initial, imposé par les circonstances, subi, dont nous semblons ici, pour le moment, protégés. Parmi ceux qui ne migrent pas pour le plaisir, se trouvent des artistes porteurs d’histoires à exposer, sur lesquelles faire retour mais aussi à partir desquelles avancer, repartir dans sa tête et dans son corps. Le festival leur ouvre cette année largement ses portes et accueille de Tunisie, de Côte d’Ivoire, d’Afghanistan, d’Iran, de Corée et de l’Est comme du Sud de l’Europe autant de parcours, de corps, de langues pour expérimenter autrement cette humanité qui ne cesse d’oeuvrer à elle-même. C’est qu’il ne s’agit pas seulement d’ouvrir les portes pour accueillir mais aussi les fenêtres pour qui veut travailler à son autonomie et se déprendre du piège des représentations qui nous assaillent en ces temps du spectaculaire triomphant. Être aux aguets, solliciter l’écoute de ce qui vient, vaut pour tout le monde, nous les premiers.
Une telle aspiration de rencontres et de mobilité pour soi se doit d’être sans cesse en recherche de ses formes les mieux adaptées.
Personne, nous le savons, ne souhaite répondre à une invitation si celle-ci méconnaît l’identité de son destinataire. Nous aimons à penser que celle de l’art, si épris avant tout des commencements,
commande de saisir que les plus jeunes d’entre nous, que les sociologues se plaisent à nommer générations X, Y ou Z, transforment notre rapport au temps et aux autres. Les enfants de la révolution numérique, connectés au monde depuis leur poche de jean, ne doivent pas être exilés des scènes contemporaines. Comment les y convier sans ignorer ce qu’ils sont et dans quelles pratiques particulières du monde ils se construisent ? La question hante plusieurs temps de la programmation de cette année et notamment celle de la journée consacrée aux ateliers professionnels organisée le 15 juin. Vous l’avez compris, le festival vous invite à pratiquer l’exil comme exercice de liberté, à le convertir en possibles à explorer. Bon festival aux exilés volontairement en transit !
Maria-Carmela MINI — François FRIMAT
Du 5 juin au 24 juin, Latitudes Contemporaines présente la seizième édition de son festival international consacré à la création contemporaine. Pluridisciplinaire et actuelle, la programmation s’étend à tous les champs du spectacle vivant : danse, théâtre, performance, musique et débat. Festival itinérant, il déambulera cette année dans 12 lieux de la métropole lilloise, des Hauts-de-France et à Courtrai en Belgique.
Autour de quelques figures confirmées, le festival s’emploie à donner une indispensable visibilité aux regards posés par de jeunes artistes sur le cours du monde. Cette édition met l’accent à la fois sur la jeunesse et sur la question de l’hospitalité. Ce sont là deux thèmes forts et nécessairement croisés tant notre futur nous engage à favoriser l’accès de tous à ce que nous pouvons partager de meilleur. Les artistes exercent une vigilance salutaire dont la légitimité est incontestable. Cette édition du festival multiplie, en réponse, les formes participatives et l’accueil d’artistes en exil.
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