En ouvrant les portes de son intimité familiale, la directrice du Théâtre des Îlets de Montluçon, Carole Thibaut, retrace tout un pan de l’histoire de la sidérurgie lorraine. Figée dans une lecture-conférence, son adaptation mériterait davantage d’audace pour transformer son seul en scène en vraie performance théâtrale.
Carole Thibaut pouvait difficilement trouver lieu plus symbolique que la Maison des Métallos pour évoquer l’ancienne cité sidérurgique de Longwy. A la manière de Régis Sauder dans son documentaire « Retour à Forbach », la directrice du Théâtre des Îlets de Montluçon est retournée sur les lieux de son enfance, dans cette ville où elle est née et a passé les onze premières années de sa vie. Pour retracer la destinée de celle que l’on surnommait alors « le petit Texas français » et n’est plus aujourd’hui que « le dortoir du Luxembourg à la pauvreté résignée » qu’elle décrit, Carole Thibaut a choisi d’en passer par l’intime et d’ouvrir son livre de famille, celui d’une fille de l’industrie. Son père, son grand-père et son arrière-grand-père ont tous travaillé dans la vallée de la Chiers, dans ces aciéries rutilantes qui faisaient la fierté et la richesse du bassin lorrain, avant d’en creuser le tombeau à la fin des années 1970.
Seule en scène, l’autrice, metteuse en scène et comédienne ausculte son enfance aux « pays des pères » où les femmes sont, avant tout, « femmes de » et « filles de » avant d’exister pour elles-mêmes. Au gré des photos d’époque qu’elle projette sur grand écran, elle confronte ses légendes enfantines avec sa lucidité d’adulte. Ses souvenirs d’Epinal faits de journées de lutte contre les fermetures d’usines s’entrechoquent avec une réalité moins élogieuse, découverte au fil d’entretiens réalisés avec son père. Membre de l’équipe dirigeante de la Société des Hauts Fourneaux de la Chiers, ce fier métallo n’a pas participé à la résistance ouvrière, mais a plutôt joué une part active dans le démantèlement de l’usine, convaincu que la piètre qualité du minerai lorrain, appelé « la minette », condamnait à plus ou moins long terme l’avenir sidérurgique de la région.
Dans ce texte à la fois touchant et révolté, Carole Thibaut mêle habilement son vécu personnel, passé au filtre analytique, et l’histoire sociale collective. Salutaire, exhumant un pan méconnu du récit industriel français, il gagnerait toutefois à se tourner plus résolument vers le théâtre documentaire, à analyser davantage pour sortir du strict cadre de l’intime, à être musclé avec des matériaux sociologiques, politiques et de multiples témoignages d’anciens ouvriers de la sidérurgie lorraine pour entrer dans une autre dimension. A l’avenant, sa mise en scène toute en simplicité, sous la forme figée d’une lecture-conférence parfois proche de l’exposé scolaire ou universitaire, mériterait plus de créativité. Un texte appris et des technologies plus innovantes qu’une présentation PowerPoint donneraient à son spectacle des allures de performance théâtrale, et offriraient à l’histoire de Longwy toute l’ampleur qu’elle mérite.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
LONGWY TEXAS
de et avec Carole Thibaut
production théâtre des Îlets – centre dramatique national de Montluçon – région Auvergne-Rhône-Alpes
en co-réalisation avec Le Carreau – scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan
durée 55minLa Maison des Métallos
MERCREDI 9 > DIMANCHE 13 MAI 2018
mercredi, vendredi à 20h
jeudi, samedi à 19h
dimanche à 16hLongwy Texas est présenté dans le cadre de la thématique « Luttes sociales et encore! »
Du 4 au 13 mai, à l’occasion du cinquantenaire de mai 68 et du bicentenaire de la naissance de Karl Marx, la Maison des métallos a élaboré une programmation composée d’un spectacle, Longwy Texas, et de trois rendez-vous interrogeant ce qui nous reste des luttes sociales qui ont traversé l’époque contemporaine.
>>> Plus d’informations ici et à la page 4 du dossier de presse (pièce-jointe)> Celles et ceux qui ont « fait mai » – vendredi 4 mai à 19h
avec Ludivine Bantigny et Gérard Miller
rencontre-débat en partenariat avec les éditions du Seuil> Marx et Jenny – samedi 5 mai à 19h
one woman show de et avec Audrey Vernon> Autour de mai 68 : les groupes Medvedkine – mardi 8 mai à 15h et 17h
projections-rencontres en partenariat avec les Mutins de Pangée et ISKRA
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