Les scènes françaises sont friandes de romans portés sur les planches. De 2666 de Roberto Bolaño (Grand Prix de la Critique en 2017) à Réparer les Vivants, d’après Maylis de Kerangal (Molière du Meilleur seul en scène 2017), le public ne boude pas son plaisir à découvrir ou à prolonger l’expérience littéraire sur scène. Mais qu’en est-il des ouvrages primés et des « best-sellers » en langue française ? Le succès critique ou en librairie d’un ouvrage de fiction est-il un présage favorable à une adaptation scénique ?
Si l’on jette un coup d’œil sur les principaux prix littéraires francophones (Fémina, Goncourt, Renaudot, Flore et Médicis), sur 85 romans primés depuis 2000, 12 ont fait l’objet d’adaptations théâtrales. On adapte aussi des ouvrages ayant reçu moins de prix mais qui se vendent bien dans le commerce comme Les Particules élémentaires de Michel Houelbecq adapté par Julien Gosselin en 2013 et qui a propulsé la carrière du jeune metteur en scène. Le cas Sneijder de Jean-Paul Dubois (2011) a tenu l’affiche du théâtre de l’Atelier avec Pierre Arditi il y a deux saisons. L’Adversaire d’Emmanuel Carrère a brûlé les planches alors que l’incroyable Vincent Berger lui prêtait ses traits. En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut (2016), qui s’est écoulé à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, fait l’objet d’une adaptation qui débute cette semaine au Théâtre de la Pépinière à Paris.
Hormis les quelques spectacles cités, ces dernières années, l’adaptation de romans récents célèbres prend surtout la forme de seuls en scène : Réparer les vivants (2013), La Liste de mes envies de Grégoire Delacourt (2012), Oscar et la dame rose d’Éric-Emmanuel Schmitt (2002) ou encore Mon traître de Sorj Chalandon (2008) sont tous joués par des comédiens seuls sur le plateau.
Le temps entre la publication des ouvrages et leur mise en scène met en lumière un trait français : on aime attendre que les textes se vernissent, vieillissent un peu, avant de les adapter. Trois années entre la sortie de l’ouvrage et son adaptation semblent être un prérequis pour hisser un texte sur les planches. Exception faite lorsque l’auteur est lui-même impliqué dans la production dramatique, à l’exemple de Jean d’Ormesson et sa Conversation entre Napoléon et Cambacérès publié en 2011 et joué dans la foulée ou La 7ème fonction du langage (prix Interallié 2017 et adapté par l’auteur Laurent Binet et le metteur en scène Sylvain Maurice, un an après sa sortie).
Contrairement à l’univers du cinéma Hollywoodien, celui du théâtre francophone ne voit pas comme un argument valable qu’un ouvrage soit bien vendu pour en produire une adaptation. Vis-à-vis du public des théâtres, difficile de faire se concurrencer un auteur de roman contemporain, aussi célèbre soit-il, avec Molière, Marivaux ou Hugo. Mais aucun ouvrage de Marc Lévy ou de Guillaume Musso, les auteurs français les plus vendus dans le monde, n’a fait l’objet d’une adaptation scénique. Une autre piste pour renouveler le public dans les salles ?
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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