Le chorégraphe finlandais est la tête d’affiche du Festival Nordique de Chaillot en ce mois de janvier. Tero Saarinen entre deux créations, Zimmermann Trio prévu à Los Angeles en ce début d’année et Breath duo qu’il danse avec l’accordéoniste Kimmo Pohjonen, a pris le temps de répondre à nos questions.
Comment est née l’idée de Morphed ?
Le dernier travail que j’ai chorégraphié uniquement pour des hommes a été la première pièce de ma compagnie, Westward Ho ! (1996). En 2014, l’année de mes 50 ans, tandis que je fêtais également mes 30 ans sur scène, j’ai ressenti le besoin de recourir de nouveau à l’art de la danse pour aborder les sentiments mouvants et mutants qu’éprouve un homme, ainsi que des thèmes comme le changement et la sensualité.
Alors que je cherchais des musiques pour cette pièce, je suis tombé sur certaines compositions d’Esa-Pekka Salonen : Concert etude for solo horn (2000), Foreign Bodies (2001) et Violin Concerto (2009). Ce qui m’a inspiré en elles, outre leur qualité cinétique, c’est la façon dont elles passaient brusquement de l’agressivité à la douceur. La musique de Salonen a allumé l’étincelle initiale, intellectuellement stimulante et multidimensionnelle, qui m’a poussé à me confronter aux multiples émotions et à la virtuosité d’un homme, d’un homme qui danse.
Au regard de l’actualité Morphed prend-il un autre sens ?
D’une certaine manière, oui. Suite aux scandales à Hollywood et à la discussion autour de #metoo, je pense que le voyage entrepris sur scène par les hommes de Morphed – qui consiste à s’émanciper des stéréotypes et des préoccupations que notre société impose aux hommes et à trouver une façon plus libre et ouverte de voir les choses – correspond exactement à ce dont nous avons (tous) besoin.
Que recherchez-vous chez un danseur ou une danseuse ?
J’ai toujours été attiré par les fortes personnalités. J’ai choisi tous mes danseurs, hommes et femmes, parce que j’ai été frappé par leur tempérament, par les histoires qu’ils étaient en mesure de raconter avec leur corps. En tant que chorégraphe, je fais de mon mieux pour nourrir leur talent unique et leur donner la liberté d’être pleinement présents sur scène, en véritable résonance avec le public. Dans Morphed, cette polyvalence des personnages est d’autant plus prégnante que je voulais réunir pour cette pièce des hommes d’âges variés provenant de différents horizons de danse, du smurf au ballet.
Le Blue Lady revisité de Carolyn Carlson que vous avez interprété a marqué les esprits. Danser reste d’actualité pour vous ?
Pour moi aussi, Blue Lady a représenté une expérience très spéciale. Carolyn m’a influencé en profondeur, elle a été l’un de mes mentors et j’admire vraiment son travail. Et, à certains égards, lorsqu’elle m’a transmis Blue Lady – un solo créé pour une femme –, nous avons eu affaire à nombre de thèmes que j’ai voulu explorer dans Morphed – le changement, la sensualité, la part de masculin et de féminin dans chacun d’entre nous… Je ne prévois pas de réinterpréter Blue Lady, mais je suis très excité à l’idée de retourner sur scène avec ce nouveau duo, Breath. Mon dernier solo a été créé en 2011 et je suis ravi d’explorer une fois de plus le mouvement d’un point de vue personnel. J’espère vraiment qu’à un moment donné le public français pourra me voir exécuter Breath avec Kimmo ! Ce printemps-ci, nous sommes en tournée au Canada et en Finlande avec ce spectacle, mais qui sait, peut-être l’année prochaine ?
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
traduction Jean-Luc Defromont
Morphed chorégraphie Tero Saarinen, Musique Eksa Pekka-Salonen Théâtre National de Chaillot du 18 au 20 janvier www.theatre-chaillot.fr
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