« Vous n’aurez pas ma haine. » C’est le texte poignant d’Antoine Leiris écrit il y a deux ans quelques jours après les attentats du Bataclan et posté sur Facebook. Le journaliste venait de perdre sa femme. Un livre a suivi, il est adapté au théâtre et incarné par Raphaël Personnaz, en ce moment au Rond-Point puis au Théâtre de l’Oeuvre. une pièce comme les autres, car elle fait référence à une actualité encore bien présente dans nos esprits, ravivée depuis le début de la semaine par les commémorations des attentats. Le texte d’Antoine Leiris est un véritablement déchirement. Il est porté avec une dignité et une force exceptionnelles par Raphaël Personnaz. Antoine Leiris est un garçon calme, sa colère est intérieure. Celle de votre personnage incarné par Raphaël Personnaz explose par moment sur le plateau. Il reconstitue la vie brisée d’un homme, noyé dans le chagrin. Un spectacle d’une charge émotionnelle incroyable. Mais on ressort avec plein d’espoir, tant les mots d’Antoine Leiris sont apaisants malgré la douleur. Rencontre avec le comédien.
Ce rôle est-il plus difficile à interpréter que d’autres ?
Oui car il ne s’agit pas d’interpréter Antoine Leiris. Il s’agit d’exprimer ce qu’il transmet dans son texte, parfois une douleur, parfois une envie de vie intense. Il le dit quand il écrit ce premier texte sur facebook juste après les attentats, il est un entremetteur. Je dois me mettre dans cette position pour apporter de la lumière et de la poésie. J’ai été frappé par sa sérénité la première fois que je l’ai vu à la télévision. Il était apaisé. Au moment où on souhaite nous faire taire, il y a un homme qui arrive à mettre des mots sur sa douleur. Je dois retrouver cet état d’esprit, pour exprimer le texte sans culpabilité. Je prends du plaisir car le texte transmet de belles pensées au public.
Est-ce que le fait que le texte fasse référence à une actualité qui encore dans tous les mémoires est une difficulté supplémentaire ?
Oui on a tous été frappés et choqués par ces attentats. Notre réalité a été bouleversée. Cette menace est toujours présente. La parole d’Antoine nous libère. Le spectacle est chargé émotionnellement mais on en ressort avec une parole d’espoir. Le fait de mettre des mots sur une guerre déclarée à l’intelligence et à l’humanité nous aide à résister. Alors oui le texte résonne avec une actualité qui n’est pas éloignée, mais il va au-delà. Il nous rappelle ce que sont l’absence et le deuil. Il revêt une dimension universelle. Dans vingt ans quand les blessures seront cicatrisées le texte aura toujours la même force car sa puissance poétique dépasse les évènements.
Comment avez-vous construit votre personnage ?
De manière inconsciente, sans créer un personnage aux contours bien délimités. Si j’avais conscience de la charge émotionnelle du texte, je ne pourrai pas le jouer.
Antoine Leiris est un garçon calme, sa colère est intérieure. Celle de votre personnage explose par moment sur le plateau.
C’est juste de parler de colère, elle est saine dans ce texte. Il l’exprime avec des mots et ne peut pas se transformer en haine. Il lutte avec cette arme qui est la littérature contre la haine. Mais il ne pardonne pas. Alors oui le personnage peut laisser déborder sa colère en s’adressant directement au public pour l’emmener dans une forme de chaleur.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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