Pauline Bureau adapte le récit-confession de Céline Milliat-Baumgartner. Seule en scène, la comédienne dresse, avec pudeur et émotion, le portrait de ses parents morts dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que huit ans.
Pauline Bureau n’a pas sa pareille pour explorer l’intime, pour le donner à voir, toujours, avec une grande délicatesse et une infinie sensibilité. Quand on l’interroge sur son parcours théâtral, la jeune metteuse en scène en fait d’ailleurs un impératif : « Je travaille constamment sur ce rapport intime, avoue-t-elle. Si on ne travaille pas sur nos intimités au théâtre, mieux vaut rester chez soi. » Après avoir déniché des secrets de famille dans Sirènes, plongé dans les rêves adolescents avec Dormir cent ans et ausculté les drames personnels vécus par les victimes du Mediator dans Mon cœur, elle le prouve une nouvelle fois avec Les Bijoux de pacotille qu’elle présente pendant quelques jours au Théâtre Paris-Villette, avant une reprise au Théâtre du Rond-Point.
Fruit d’une rencontre avec Céline Milliat-Baumgartner, le spectacle s’immisce dans l’enfance orpheline de la comédienne qui, à l’âge de huit ans, a perdu ses parents. Morts dans un accident de la route à l’entrée du tunnel de Saint-Germain-en-Laye, ils n’ont pu laisser à leurs deux enfants que de modestes bijoux en guise de souvenirs, une boucle d’oreille en forme de fleur et deux bracelets, l’un blanc, l’autre doré, noircis par le feu qui a embrasé leur véhicule et leurs corps. Pour se libérer de cette tragédie originelle, la fille de la célèbre actrice Michèle Baumgartner s’est d’abord confiée dans un livre, sorti en 2015, avant de choisir de le porter à la scène avec l’aide de Pauline Bureau.
En solo, la comédienne ouvre sa boîte de Pandore intime. D’une voix où percent parfois les intonations d’une petite fille, elle convoque ses souvenirs d’enfance et décortique la fabrique de ces instants plus ou moins palpables qui peuplent sa mémoire. Il y a cette mère, forcément grande, forcément belle, qui n’a rien à voir avec ce rôle que lui avait confié François Truffaut dans La Femme d’à côté ; ce père, forcément beau, forcément fort, dont elle serait tombée amoureuse si elle l’avait rencontré au coin d’une rue. Il y a l’avant, le pendant et l’après accident, mais, quel que soit le créneau temporel, Céline Milliat-Baumgartner porte un regard unique sur ses parents, celui que les autres enfants, qui ont vu vieillir les leurs, ont nécessairement perdu.
C’est de ce regard que nait toute la beauté et l’intensité du spectacle, de ces yeux que survient la transformation de ces personnes bien réelles en personnages quasi-romanesques. En livrant ce récit-confession, Céline Milliat-Baumgartner risquait à tout moment de tomber dans l’impudeur. Dans les faits, il n’en est rien. Armée d’une force de jeu et de caractère intrinsèque, à laquelle se mêlent une profonde douceur et quelques pointes d’humour, la comédienne parvient à tenir sur une étroite ligne de crête, entre l’émotion sensible et la saine distance, celle de ces vieilles blessures que le temps a aidé à guérir, mais qui peuvent parfois se rouvrir au détour d’un trottoir ou d’un regard.
Pour l’aider à tenir cet équilibre, Pauline Bureau et son équipe – Emmanuelle Roy à la scénographie, Vincent Hulot à la composition musicale et sonore, Bruno Brinas aux lumières, Christophe Touche à la vidéo et Benoît Dattez à la magie – lui ont construit un magnifique écrin, capable de sublimer ses mots. A la manière d’un peintre pointilliste, la metteuse en scène n’agit que par petites touches : un tour de magie ici, une projection de film en Super 8 là, des chaussons de danse sortis d’un carton, le doux air d’une boîte à musique aux sonorités enfantines. Jamais elle ne cherche à écraser, toujours, au contraire, veut-elle souligner, accentuer, relancer grâce aux images poétiques qu’elle sait créer. Aussi noir puisse-t-il paraître, le récit se pare alors de reflets lumineux, de ceux qui éblouissent lorsque s’ouvrent les boîtes à bijoux théâtraux qui, en l’espèce, sont tout sauf de la pacotille.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Les Bijoux de pacotille
Texte (Editions Arléa) et interprétation Céline Milliat-Baumgartner
Mise en scène Pauline Bureau
Scénographie Emmanuelle Roy
Costumes et accessoires Alice Touvet
Composition musicale et sonore Vincent Hulot
Lumière et régie générale Bruno Brinas
Dramaturgie Benoîte Bureau
Vidéo Christophe Touche
Magie Benoît Dattez
Travail chorégraphique Cécile Zanibelli
Développement et diffusion Olivia Peressetchensky
Administration Christelle Krief, assistée de Paul Lacour Lebouvier – Presse ZEF, Isabelle Muraour
Production La Part des Anges
Coproduction Théâtre Paris-Villette, Le Merlan – scène nationale de Marseille, Théâtre Romain Rolland – scène conventionnée de Villejuif ; Avec le soutien du Conseil Départemental du Val-de-Marne dans le cadre de l’aide à la création. Résidences de création au Théâtre Paris-Villette, au Théâtre Romain Rolland et au Théâtre de la Bastille. Coréalisation Théâtre du Rond-Point.
La Part des anges est conventionnée par le Ministère de la Culture – DRAC Normandie au titre du dispositif compagnies à rayonnement national et international. Elle est également conventionnée par la Région Normandie. Pauline Bureau fait partie des artistes de la bande du Merlan, scène nationale de Marseille.
Durée : 1h10
Théâtre 14
du 10 au 21 mai 2022
« Sa boîte de Pandore » !! Parfois on ferait bien de vérifier le sens des expressions qu’on choisit avant d’écrire…