A partir d’un récit narratif et poétique, variation sur le thème de l’enfant sauvage, Je suis la bête s’apparente à une forme de conte, où la voix de la comédienne se mêle à une création électroacoustique (paysages sonores à partir de captations dans la nature, sons abstraits transformés) et une écriture originale pour instruments à cordes (contrebasse, violoncelle, guitare). Les spectateurs sont plongés dans la narration via un dispositif sonore immersif, une création lumière et scénographique, qui déterminent un espace commun d’abandon et de rêve. Cette immersion totale au coeur d’une forêt profonde doit révéler l’intensité poétique, onirique, fantastique, dramatique de ce roman singulier, que selon Anne Sibran, « chacun va traverser, percé de vibrations et de mystères ».
Je suis la bête, c’est l’étrange monologue d’une enfant abandonnée, à 2 ans, au fond d’un placard, dans une maison, perdue au milieu d’une forêt » sans chemin ni personne « . Sauvée par une chatte grosse dont elle mange les chatons, elle va peu à peu s’ensauvager et apprendre à chasser, à tuer et à survivre en forêt, jusqu’au jour où elle revient parmi les humains…
Anne Sibran nous emmène sur les pas de cet être entre humanité et animalité à travers une langue constamment réinventée, à la lisière du réel et du fantastique. « Une partition frémissante » que l’oreille d’un musicien perçoit bien volontiers, pour une transposition scénique en forme de dramaturgie plurielle, où récit et musique/sons cheminent ensemble.
Ainsi ce récit singulier, empli de sonorités et de vibrations, a-t-il inspiré la création d’un microcosme sonore qui doit venir amplifier les contours du texte. Celui-ci se construira à partir de captations de sons réels dans la nature (la forêt est centrale dans le roman), de la transformation de ces enregistrements, de leur mélange avec des sons non figuratifs, la musique acoustique et la voix de la comédienne. Le travail d’écriture musicale, pour violoncelle et contrebasse, guitare préparée, voix, s’appuiera sur les timbres des cordes frottées, du souffle qu’elles produisent, des craquements et grincements, autour des chants intérieurs de la forêt et de ses animaux (“…car les bêtes n’ont pas la parole”) naissant des silences et des bruits de la nature. Faire apparaître des mélodies, des voix instrumentales, des continuum, contre-champs ou “ailleurs” du texte, voix intérieures de la forêt et de l’enfant.
Après plusieurs spectacles utilisant l’écoute au casque et différents dispositifs de multi-diffusion, la compagnie souhaitait continuer la recherche d’un système de diffusion (et d’écoute) immersif. Tant pour ce qu’il implique d’une relation au spectacle différente (pas de frontalité, des points de vues multiples sur le plateau), que pour l’écoute différente qu’il procure.
Ainsi, la rencontre avec l’enregistrement et la diffusion ambisonique a été décisive. En effet, ce dispositif pas ou peu employé dans le spectacle vivant regroupe pourtant tous les attributs évoqués précédemment. Elle permet de surcroît, une écoute de qualité quasiment égale pour tous les spectateurs, quelque soit la position dans l’espace, à la différence d’une multidiffusion classique où trop souvent seuls quelques points d’écoute sont parfaitement équilibrés.
En effet, la prise de son ambisonique repose sur 4 capsules coïncidentes qui captent droite/gauche, haut/bas, avant/arrière, et la somme. Cette prise de son reflète (fidèlement) la perception de l’oreille humaine et la place de l’auditeur dans l’espace, comprenant donc la source d’émission du son, mais également toutes ses réflexions. La diffusion du son est un matriçage de ces 4 pistes vers un nombre X de haut-parleurs (dans notre cas, ce sera 14 haut-parleurs), disposés selon un cube en trois dimensions. Le son est donc présent de partout mais à des niveaux plus ou moins importants, comme l’oreille humaine perçoit finalement la réalité ; le son provient d’un point mais se répercute, se réfléchit en de multiples endroits qui sont tout aussi importants pour la perception et la compréhension de celui-ci.
Mais qu’importe le « réalisme », ce système est simplement cohérent, invite au rêve, est un véritable espace de création aussi réaliste qu’onirique.
Je suis la bête
D’après le roman de Anne Sibran (éd. Gallimard, collection « Haute Enfance »)
Adaptation, conception et composition : Pierre Badaroux
Création sonore : Pierre Badaroux et Vivien Trelcat
Conseil à la mise en scène : Philipp Weissert
Scénographie : Barbara Kraft
Création lumière : Nicolas Barraud
Dispositif ambisonique : Vivien Trelcat
Avec Odja Llorca, voix / Pierre Badaroux, contrebasse et électroacoustique / Didier Petit, violoncelle / Vivien Trelcat, électroacoustique / Frédéric Gillmann, régie générale et lumière / Jean-Pierre Cohen, régie son
Coproduction : Théâtre Nouvelle Génération – CDN de Lyon, le Dôme Théâtre – Scène conventionnée d’Albertville, La Méridienne – Scène conventionnée de Lunéville, le Théâtre des Quatre Saisons – Scène conventionnée de Gradignan, le Théâtre d’Aurillac – Scène conventionnée, la Communauté d’Agglomération Pays Basque, la Communauté de communes Coeur de Tarentaise.
Résidences : le Dôme Théâtre – Albertville, Scènes et Territoires en Lorraine, l’Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry, la Chartreuse – CNES de Villeneuve-lez-Avignon, le CENTQUATRE – Paris, l’Apostrophe – Scène nationale de Cergy, la Communauté de Communes Coeur de Tarentaise, l’Espace Georges Simenon – Rosny-sous-Bois, Fontenay-en-Scènes, les Arts Improvisés.
Je suis la bête a reçu l’aide à la création de la Région Auvergne Rhône-Alpes et le soutien de la SPEDIDAM.Festival VILLENEUVE EN SCÈNE 2018
Du 10 au 22 juillet à 17h00 (sauf le 14 à 11h00 – relâche le 16 juillet)
Salle des Conférences, 2 rue Jean Jaurès, Villeneuve-lez-Avignon
Billetterie « Centre Ville » – près de la médiathèque
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