Bertrand Blier se lance dans le théâtre absurde. Exercice difficile après les maitres de 20ème siècle que sont Ionesco ou Arrabal. Malgré tout le talent de l’auteur et ses répliques assez bien senties, l’ensemble de sa pièce « Désolé pour la moquette » laisse un goût d’inachevé. Le cinéaste se perd dans beaucoup de méandres, pour compliquer inutilement une histoire qui aurait pu être touchante. Partant de la cohabitation d’une bourgeoise (Anny Duperey) avec une clocharde (Myriam Boyer) il arrive finalement à une parabole sur le théâtre dans laquelle l’auteur apparaît sur scène à travers un personnage. Où est la fiction, où est la réalité. Un thème éternel, infini, mais qui ne fonctionne pas avec l’absurdité des situations.
Loin d’être choqué par des dialogues attendus avec Bertrand Blier, on n’arrive pas vraiment à se laisser porter par une action fortement décousue. Une loi oblige chaque propriétaire à laisser sur son trottoir un bout de moquette pour les clochards. Ainsi la bourgeoise Anny Duperey partage un bout de sa vie avec Myriam Boyer, jusqu’au moment où tout bascule. Elles échangent leurs vies. Et la bourgeoise se retrouve de l’autre côté du miroir, dans le monde des SDF. Il est vrai qu’Anny Duperey ne cache pas son bonheur de jouer du Blier et ce rôle bourgeoise qui se pervertit dans la luxure avec ces clochards. On peut même dire qu’elle prend un réel plaisir, voir « son pied » à balancer les dialogues. Lorsqu’elle entame un coït avec un clochard (Patrick Préjean) qui lui lance : « Y a pas un poil qui dépasse », elle réplique avec bonheur : « Mais c’est un intérieur bourgeois ! ». Il y a aussi ce moment de grâce de Myriam Boyer qui raconte son histoire, celle d’une enfant abandonnée par son père – un comédien ( !), qu’elle retrouve bien des années plus tard dans son errance, attablé à la table d’une brasserie rive gauche, et qui fait mine de ne pas la reconnaître. Mais l’ensemble reste brouillon, mal ficelé. Désolé pour Bertrand Blier.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Désolé pour la moquette…de Bertrand BLIER
Mise en scène : Bertrand BLIER
Avec Anny DUPEREY, Myriam BOYER, Patrick PREJEAN, Abbès ZAHMANI, Jean BARNEY
Mise en scène (assistant) : Marie SAUVANEIX
Décor : Patrick DUTERTRE
Costume : Christian GASC
Son : Sébastien DELRUE
Lumière : Marie-Christine SOMA
A partir du 9 septembre 2010
Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi à 21h
Samedi à 17h30 et 21h
Dimanche à 16h
Je partage votre avis sur le texte et tiens juste à souligner, malgré cela, que j’ai trouvé le décor et la lumière esthétiquement très réussis, ainsi que la musique. Cela ne fait pas tout un spectacle mais je pense que l’on peut saluer ce travail.
Absolument d’accord avec vous sur le travail du décorateur Patrick Dutertre
Encore déçue ! Qu’a bien voulu dire Bertrand Blier ? Que chacun peut basculer dans la misère ? Que celle-ci est addictive parce que dernier lieu où la chaleur humaine à sa place ? Rien n’est clair. le décor ne sert à rien et la lumière est si mal faite que les comédiens ont des ombres sur leur visage tout du long. Bref, c’est tiré par les cheveux, pas clair et donc pas intéressant. Duperey est excellente, Boyer aussi bien sûr mais pourquoi lui proposer toujours des rôles de femmes pauvres, misérables et abîmées par la vie ?