« Dernier remords avant l’oubli », la pièce de Jean-Luc Lagarce convient parfaitement aux collectifs d’acteurs qui fleurissent depuis quelques temps. En 2003 au sortir d’un stage avec Philippe Adrien six comédiens décident de monter le texte de Lagarce et prennent d’ailleurs comme nom les initiales du titre de la pièce « DRAO ». Plus récemment il y a eu la version du collectif des Possédés en 2007. C’est au tour du collectif In Vitro créé en 2009 de proposer sa version de la pièce de l’auteur franc-comtois. Présenté en juin au Théâtre 13 dans le cadre du Festival des Jeunes metteurs en scène, le spectacle est repris au Théâtre Mouffetard.
Julie Deliquet met en scène un DRAO brut de décoffrage. « Je veux désacraliser Lagarce, nous imposer comme une évidence face au texte, être insolent avec la langue, la bousculer et prendre le pouvoir ». Il y a la violence du texte, et une tension palpable pendant tout le spectacle. DRAO raconte l’histoire de trois personnages qui ont vécu une partie de leur jeunesse ensemble dans une maison. Pierre est resté locataire de la bâtisse, tandis que Paul et Hélène ont fondé un foyer. Ils reviennent quelques années plus tard avec le souhait de vendre. Et c’est alors que vont sortir toutes les rancœurs accumulées pendant des années. Lagarce démonte les relations humaines et travaille sur les non-dits. « La parole de Lagarce se prolonge au-delà de ce qui est dit et pose le silence comme seule retenue avant la vérité, explique Julie Deliquet. Travailler sur la difficulté de dire. L’impératif de sincérité. Trouver le mot, celui qui convient et ne trahit pas. Ne pas déborder. Parler trop pour ne pas trop en dire ». Les personnages s’enlisent dans des situations impossibles. Et les conjoints se mêlent à ces discussions souvent maladroites qui révèlent le fond de leur pensée. La répétition dans le texte de Lagarce traduit souvent le malaise, l’embarras entre les personnages.
Les comédiens sont en contact direct avec le public. L’éclairage de la salle reste le plus souvent allumé, les comédiens vont et viennent, passent devant les spectateurs, demandent pardon. Julie Deliquet souhaite « donner l’illusion du direct spontané, accepter la non-théâtralité, s’éloigner de la logorrhée ». Sa mise en scène est d’une grande force. Elle s’est même permis des libertés avec le texte de Lagarce en faisant se chevaucher des dialogues. Et cela fonctionne à merveille.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Le collectif In Vitro se crée en 2009. Il vise à défendre un acte contemporain tourné vers les auteurs et vers la création. Amorphe, maquette présentée au Théâtre Romain Rolland de Villejuif, est le point de départ de notre démarche artistique. La création réunit une part importante de la compagnie sous une forme ouverte au collectif et à l’immédiateté des propositions artistiques de chacun. La compagnie a pour but de rassembler un certain nombre d’acteurs, qui ont déjà pour la plupart travaillé ensemble, sous différentes formes, laissant l’improvisation et la proposition individuelle s’inscrire comme moteur de la répétition. L’acteur est responsable et identitaire de notre démarche à travers ses choix sur le plateau. Donner l’illusion du direct spontané, accepter la non-théâtralité, désacraliser. Très peu de décors, très peu de costumes : retour à un théâtre de mise à nu avec une représentation entièrement dictée par ses interprètes. Nous travaillons sur le lieu unique, la proximité scène-salle et l’idée de collectif ultra présent au plateau, chassant le théâtre classique découpé en scènes. Notre temps est celui du plan-séquence, unique dans sa constitution d’énergies du moment, et fondateur d’un acte théâtral qui s’inscrit dans l’instant. Nous sommes accueillis la saison prochaine en résidence au Théâtre de Vanves pour notre prochaine création La Noce de Brecht qui se jouera du 3 au 7 mai 2011.
Derniers remords avant l’oubli de jean-luc lagarce
mise en scène julie deliquet
avec julie andré (hélène), gwendal anglade (paul), éric charon
ou serge biavan (pierre), olivier faliez ou david seigneur (antoine),
agnès ramy (anne), annabelle simon ou julie jacovella (lise)
lumières richard fischler / musique david georgelin / vidéo mathilde morières
Durée: 1h20
du 30 septembre au 20 novembre 2010
du mercredi au samedi à 21h, dimanche à 17h (relâche le 7 novembre)
prix des places 24 euros et 16 euros tarif réduit
(jeunes de – de 30 ans).
Théâtre Mouffetard
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