Dans la catégorie « Indiscipline » du Festival d’Avignon 2017, Lemi Pontifasio ouvre le bal avec un spectacle pour le moins austère. A la fois danse, théâtre, chant choral et arts martiaux, ce spectacle peine à se définir et cache toute sa vacuité derrière un vernis intellectuel et spirituel creux dont les arguments tels « l’espace scénique est une énergie cosmique » sont nombreux.
Concrètement, que voit-on ? Neuf filles sur scènes, huit jeunes et une plus âgée sur un plateau noir qui jouent sur les limites tracées par les ombres. Elles chantent, dansent, portent des pierres (le spectacle se veut complexe et profond mais symbolise les ruines avec du béton brisé…), le tout dans une lenteur qui laisse le temps de mourir entre chaque mouvement. Ce n’est que longueur à chaque tableau : toutes les actions sont trop étendues, pas assez travaillées, trop peu riches. Rien n’est vraiment symbolique, ni vraiment esthétique. Pontifasio fait du sous-Castellucci avec ses jeux de matière où noir et blanc alternent pour recouvrir des surfaces de couleurs opposées.
Le snobisme est poussé à son comble par l’absence de surtitrage. Il arrive que, pendant plusieurs minutes, une femme hurle dans une langue que l’on suppose kanak, les yeux exorbités, tremblant d’une main et tenant une clé à molette de l’autre, on ne sait pas ce qu’elle dit. « Ce sont des hakas » nous dira-t-on. On reconnaît bien cette pratique qui, depuis l’Europe, est souvent dévolue aux avant-matches de rugby. Pontifasio ne lutte pas contre l’exotisme crasse de bon aloi qui caractérise souvent le regard des occidentaux sur les « sociétés primitives ». L’assumer c’est assumer être un clown divertissant. Cette situation de « haka » se reproduit à plusieurs reprises pendant le spectacle, car si Pontifasio affirme être dans l’épure, cet argument n’a pas de prise sur le langage qui, lui, est très abondant.
Le spectacle souffre de l’incompréhension qu’il provoque. Il coupe la colère, la rage et la révolution de toute émotion. Ses « figures féminines » sont froides comme des déesses art-déco. Même avec la feuille de salle et l’éventuelle préparation à laquelle le public pourrait s’astreindre avant la représentation, l’austérité revendiquée par Lemi Pontifasio est telle qu’il ne reste rien à sentir, rien à garder.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Standing in Time
Textes Rasha Abbas, Lemi Ponifasio
Mise en scène, scénographie, son Lemi Ponifasio
Lumière Helen Todd
Musique Ria Te Uira Paki, Te Ara Vakaafi
Costumes Kasia Pol
Avec Gabriela Arancibia, Rosie Te Rauawhea Belvie, Kasina Campbell, Te Riina Kapea, Hinerauwhiri Huia Ohomairangi Paki, Ria Te Uira Paki, Kahumako Rameka, Manuao Ross
Production MAU
Coproduction Festspielhaus St. Pölten
Avec le soutien de la Fondation BNP Paribas pour la 71e édition du Festival d’Avignon
durée : 1h30
Certaines scènes du spectacle comportent de la nudité71e édition du Festival d’Avignon
7 8 9 10 JUILLET
À 22H
COUR DU LYCÉE SAINT-JOSEPH
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