Le Festival d’Avignon s’achève sur un taux de fréquentation de 95%. 116 000 billets ont été vendus pour une jauge totale de 122 000 places. Vincent Baudriller co-directeur du Festival s’est dit « marqué par la vitalité et la confiance du public » lors de la conférence bilan de l’édition 2010. Christoph Marthaler, artiste associé ne goûtant pas les exercices de prise de parole en public a décliné cette rencontre. Du coup l’écrivain Olivier Cadiot n’était pas présent non plus.
En plein doute sur l’avenir du spectacle vivant, le Festival d’Avignon a-t-il rempli son rôle cette année ? Celui d’agitateur d’idées. Celui qui doit montrer la vitalité de la création en France et à l’Etranger. A la lecture des chiffres on peut répondre par l’affirmative. Mais en analysant les créations, le bilan est loin de faire l’unanimité. Comme souvent une vraie fracture est apparue dans le public. Le mécontentement de nombreux spectateurs vient atténuer la satisfaction de la direction. « Cela devient régulier, explique Vincent Baudriller. Cela toujours été le cas. La chose contemplative devient provocation. Dans la cour le public est plus démonstratif, certains spectateurs se mettent en représentation. C’est une difficulté pour les artistes ». Lors de cette rencontre de bilan beaucoup de spectateurs sont intervenus pour se plaindre de la manifestation bruyante d’une partie du public. « C’est de l’incivisme » a lancé une spectatrice, se plaignant que les « gens fassent du bruit lorsqu’ils partent ». Et Vincent Baudriller de justifier sa programmation. « Le Festival doit relever deux défis. Il est prescripteur, on vient découvrir le langage d’aujourd’hui. Beaucoup de directeurs de Festivals de part le monde viennent en Avignon. C’est un moteur et une référence. Et il doit aussi s’adresser à un public large, les œuvres ne sont pas forcément populaires, mais le public l’est dans sa composition. A nous de faire ce travail pour ouvrir les portes à toutes les origines de spectateurs ».
Crise identitaire de la culture
L’incompréhension du public vient du fait que beaucoup d’artistes préfèrent utiliser des formes plus proches des arts plastiques que du spectacle vivant (Gisèle Vienne, Philippe Quesne, Christoph Marthaler…). Et tout cela au détriment du sens et souvent du texte qui doit rester le fondement du théâtre. A ce titre le spectacle « Trust » de Franck Richter et Anouk Van Dijk permet de mettre tout le monde d’accord. Leur pièce mêle le théâtre, la danse, un texte critique sur la société contemporaine (le monde de la finance) et une forme artistique bien ancrée dans l’époque. Il n’y a donc pas de fatalité à innover et toucher tous les publics. Chose trés bien réussie également par François Orsoni dans « Baal ». Les metteurs en scène devront donc être vigilants dans les années qui viennent pour ne pas renforcer cette fracture au sein du public. Car si la crise identitaire de la Culture en France n’a jamais été évoquée lors de cette rencontre bilan, elle n’a jamais été aussi présente dans la société. La culture est de plus en plus absente des discours politiques. Il y a donc danger. D’ailleurs les professionnels du spectacle vivant ont manifesté dans les rues d’Avignon le 15 juillet, pour protester contre la réforme des collectivités territoriales publiques qui vise à écarter la culture du champ des compétences de ces institutions. Mais là aussi on peut s’interroger sur la faible mobilisation : autour de 700 personnes alors que des milliers de professionnels sont présents en Avignon en juillet.
Une centre de résidence à l’année ?
Vincent Baudriller et Hortense Archambault ont annonçé qu’ils étaient candidats à leur propre succession au delà de 2011. « Nous souhaitons renforcer le travail de production et continuer le travail sur l’élargissement du territoire. Nous souhaitons créer un centre de résidence toute l’année. Un tel équipement doit renforcer le Festival et augmenter le travail de sensibilisation avec le public local, et faciliter les synergies avec les autres institutions d’Avignon », explique Vincent Baudriller. En attendant une éventuelle reconduction (alors que beaucoup de candidats se pressent au portillon – on évoque notamment l’actuel directeur du Rond-Point Jean-Michel Ribes ou le directeur de la Maison de la Culture de Créteil Didier Fusiller) le tandem va travailler avec le chorégraphe Boris Charmatz futur artiste associé en promettant un équilibre entre toutes les formes artistiques. La présentation de « La danseuse malade » ne plaide pas en faveur d’un Festival populaire ouvert à « toutes les origines » comme le souhaite Vincent Baudriller. Il faudra effectivement que la programmation 2011 jongle avec toutes les disciplines pour ne pas exclure encore un peu plus un certain public.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Paroles de spectateurs lors de la rencontre publique
« Je n’ai pas aimé Richard II. Le public ne s’attend pas à des choses décalées. Il doit être votre baromètre ».
« Ca n’est pas bien de partir en hurlant. J’ai été choqué par le bruit ».
« Avignon c’est la mondialisation de proximité ».
« J’ai découvert le Rock dans les spectacles. Le Festival me permet d’ouvrir des portes ».
« Avec Big Bang les gens n’ont pas compris qu’ils assistaient à une répétition ! »
« Avec les colloques on peut approfondir les regards »
« J’ai aimé rentrer dans le laboratoire de la création »
« Le texte était trop lourd à suivre dans L’homme sans qualité »
« J’aime inviter des gens à dîner, ils ne savent jamais ce qu’ils mangent. Avec le Festival c’est pareil »
Continuez chers Hortense et Vincent !
Amitiés
René Sacchelli
Pitié… que le ministre et les collectivités changent la direction bicéphale et anti théâtrale de ce Festival d’Avignon.
Que ces deux directeurs partent se confronter à d’autres outils, d’autres publics.
Nous en avons assez vu.