En janvier 2017, cela fera deux ans depuis les attentats de Charlie Hebdo, deux ans que Nadia Vadori-Gauthier s’est engagée dans cet acte de résistance poétique qui consiste à agir, au quotidien, une présence sensible dans le monde : elle danse une minute et quelque, tous les jours, dans les états et les lieux dans lesquels elle se trouve, et la poste en ligne le jour-même.
Goutte à goutte, la minute de danse traverse les saisons, et se poursuit. La plupart des danses ont lieu dans la capitale, mais aussi ailleurs. D’endroits anonymes du quotidien aux lieux emblématiques de la capitale, de Paris à Calais, du bord du canal Saint-Martin au Ministère de la Culture, de République à Hôtel de Ville, du chantier monumental de Chaillot à une allée du vingtième, des bords de Seine à Saint-Denis, des Archives Nationales au Palais de Tokyo, de la rue de Nice au Centre Pompidou, d’un squat de la banlieue sud à la cour du Louvre… Nadia danse inlassablement, quels que soient ses états de corps ou d’esprit. Elle danse seule, avec des inconnus, des artistes, des amis, des danseurs, un enfant, une personne âgée, un ouvrier, Madame la Ministre de la Culture, une jeune homme en situation de handicap, un boulanger, le vent, la pluie, la neige, le désert, un chat, un cheval… Où qu’elle se trouve, elle danse avec la nature ou avec la ville, ses habitants, ses espaces privés ou publics. C’est sa façon de manifester pour une poésie en acte, une poésie des interstices, un vivre-ensemble selon d’autres modes que ceux que régissent les codes et catégories de toutes sortes. Aujourd’hui, après plus de 630 jours et autant de minutes de danse, elle continue :
« Nous traversons une époque particulière, à la fois difficile et pleine de promesses, en France, mais aussi dans le monde. Alors que certaines positions discriminatoires ou dogmatiques se durcissent, il me semble que l’on peut aussi sentir de nouvelles alliances, des solidarités, des ouvertures ou des prises de conscience collectives. J’ai envie d’accompagner cette période de bouleversements : une danse par jour, chacune valant pour un jour particulier, comme un cristal prélevé sur le flux du temps qui s’écoule. J’ai le sentiment de devoir « arracher » chaque danse au présent. Et cette action me demande d’activer la plus haute intensité dont je me sente capable à un moment donné, intensité variable donc. Mais quelque chose se brûle dans l’instant, comme on craque une allumette. Chaque danse, comme une actualité, est postée en ligne le jour même, puis archivée par date et par catégorie sur le site.
Parfois, je me prends à rêver ou à imaginer ce qu’aurait été ce projet dans d’autres périodes transitoires de l’histoire (la Révolution industrielle, l’Avant-guerre, l’Après-guerre…) et je me dis qu’il est important de poursuivre encore un peu afin de témoigner à ma façon de cette période liminale que nous vivons. Je me suis donné une date au-delà de laquelle je ne continuerai pas ce projet : mi-octobre 2017. Cela fera alors Mille et une danses pour Mille et un jours d’une époque.
Je ne sais pas si j’y arriverai, car 400 jours ou presque, cela me semble énorme.
Alors : Mille et un jours, peut-être… »
Ce projet micro-politique de proximité est également inspiré d’une phrase de Nietzsche :
« Et que l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois »
et d’un proverbe chinois :
« Goutte à goutte l’eau finit par traverser la pierre ».
Cela signifie qu’une action minime et répétée peut finir par avoir un grand effet.
La goutte d’eau, ce sont les danses, interstitielles, sans armes ni boucliers. La pierre, c’est un certain durcissement du monde (communautarismes, hiérarchies, consumérisme, dogmatisme), la désolidarisation d’avec la nature et le manque d’une dimension poétique active au quotidien.
Chaque jour, depuis janvier 2015, Nadia danse comme on manifeste, pour œuvrer à une poésie vivante, déplacer les lignes, faire basculer le plan ou osciller la norme, danser la vie qui passe et qui vibre dans les interstices du quotidien.
Samedi 14 janvier 2017, à l’occasion de son anniversaire, Une minute de danse par jour sera programmé dans le cadre du Festival Faits d’hiver, sous la forme d’une soirée de micro-performances (succession de performances de 3 minutes maximum). Plusieurs artistes et danseurs participeront à cette soirée-évènement. Dossier de presse.
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