Mohamed Rouabhi explique comment il a découvert les écrits de Mahmoud Darwich :« Abonné pendant des années à la Revue d’Etudes Palestiniennes, je trouve un matin de l’hiver 1993 dans ma boîte aux lettres le n°46 de la revue, bien emballé dans son enveloppe matelassée blanche durcie par le froid glacial, je sais que je vais devoir annuler mes rendez-vous du jour, me passer d’un déjeuner, éviter de répondre au téléphone. Même ma femme alors, maudissant intérieurement le gougeât qu’elle a épousé sans le savoir, grincera des dents quand je passerai devant elle sans un regard. Je sais que je vais rester comme je suis sorti de mon lit, habillé à la hâte, encore imbibé de sommeil et de rêves, assailli de tourments et de désinvoltures. Sale peut-être, mais avec une envie de café et de cigarette, tout de suite, les pieds nus, cherchant dans ma maison l’endroit le plus serein pour m’installer et me plonger, seul, dans la lecture de l’épaisse revue que je porte sous le bras. Je ne pourrais oublier ce jour, car ce jour il s’est passé quelque chose, une chose qui est arrivé jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ces mots que je suis en train d’écrire. Et me voici installé dans un fauteuil près de ma cheminée, et me voici tournant les toutes premières feuilles, et me voici dès la page 3 projeté en avant avec une force inouïe, à la merci d’une langue qui va me traverser de part en part, le mouvement parfait du bras qui dans l’air va dessiner la courbe pure d’un coup de sabre ».
Bio de Mahmoud Darwich. Poète palestinien. Son oeuvre comprend vingt grands recueils de poésie ainsi que plusieurs ouvrages en prose et de nombreux articles. Elle est traduite dans plus de quarante langues. Arraché à sa terre à l’âge de 6 ans, il fut ballotté dans la tourmente politique et la guerre de libération. Porte-parole malgré lui de tout un peuple, ses premiers textes furent associés à la cause palestinienne, sans toujours y avoir été destinés. Sa poésie, adulée dans le monde arabe, chante l’exil, la guerre, la prison, l’amour. Ce succès populaire, il le doit en grande partie aux nombreux artistes qui ont chanté ses vers. Mahmoud Darwich n’a jamais voulu être ni héros ni victime, seulement un homme, apatride, avec ses souffrances et ses joies simples. C’est sûrement cette volonté farouche de se démarquer de toute forme de militantisme qui donne une telle force à sa poésie. Celle-ci lie l’intime et le collectif, l’amour d’une femme et celui d’une terre, l’expression du désir de vivre et celle du combat politique. Mahmoud Darwich réinvente une langue empreinte des modèles de la littérature arabe médiévale ; il réhabilite les muallaqu’ats délaissées par ses contemporains et redonne ses lettres de noblesse à une langue ancestrale en l’ancrant dans un présent qu’il souhaite au plus proche du réel. Un réel violemment rattrapé par l’Histoire : « Notre problème littéraire permanent, à nous, Palestiniens, est que nous sommes condamnés à être les enfants du moment immédiat, parce que notre présent ne se résout ni à commencer ni à finir. »
Darwich
Discours de l’Indien rouge / Une Mémoire pour l’oubli -deux textes : « Discours de l’Indien rouge » (1992) Traduit de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, Editions Actes-Sud, et « Une Mémoire pour l’oubli » (1987) Traduit de l’arabe (Palestine) par Yves Gonzalez-Quijano et Farouk Mardam-Bey, Editions Actes- Sud
Avec Mohamed Rouabhi
Mise en scène et scénographie Mohamed Rouabhi
Assistante à la mise en scène Jeanne Louvard
Lumière Nathalie Lerat
Langue des signes Béatrice Blondeau
Avec la voix de Claire Lasne
Durée : 1h15
Du 10 au 22 mars 2015
Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 19h, le dimanche à 16h
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !