Dans sa volonté de raconter un univers mêlant réel et irréel, opéra et oratorio, terrestre et divin, en bref la totalité, et de faire de cette histoire une sorte de parabole musicale, de retable sonore mêlant humain et divin, Berlioz a-t-il pêché par hybris, cet orgueil qui punit Prométhée voulant égaler les Dieux ? Le public fut désarçonné par cet « objet musical non identifié » : quatre personnages et une présence importante des chœurs font de la Damnation l’opéra frontière par excellence entre scène et concert, entre réel et fantastique, entre histoire et légende. David Marton qui termine là sa Trilogie initiée par Capriccio continuée par Orphée et Eurydice en 2014–2015, en propose une vision guidée par la passion et la sensualité de la musique de Berlioz plus que par le Faust de Goethe ; c’est bien le rêve berliozien qu’il s’agit de mettre en scène, il s’agit de « penser grand », et de faire se confronter réel et imaginaire dans une vision politique centrée sur le comportement des masses, puisque dans La Damnation de Faust, les choeurs sont encore plus importants que les solistes. Ainsi, dans un décor unique de Christian Friedländer, sont réunis les éléments hétéroclites d’un monde abandonné, un peu inquiétant, qui répondent à l’organisation de l’oeuvre, faite d’ellipses et de surgissements, dans l’unité d’un lieu théâtralisé (que Marton avait si magistralement traité dans Capriccio), réel et rêvé, mais traversé par un univers délabré, touché par la guerre, où passé et présent se rencontrent. David Marton travaille sur l’univers musical de Berlioz, révélant sa puissance ensorceleuse et évocatoire, mais aussi angoissante, métaphore d’un monde réel et caché. Kazushi Ono cisèlera la partition avec une distribution très séduisante. Charles Workman sera ce Faust à la poésie et à l’élégance innées dont le Méphistophélès de Laurent Naouri avec sa science du style sera le double obscur, tandis que Kate Aldrich, après avoir été récemment Idamante et Carmen à Lyon, incarnera Marguerite, l’héroïne malheureuse et éthérée destinée au paradis berliozien.
La Damnation de Faust
Hector Berlioz
Livret d’Almire Gandonnière et du compositeur, d’après Faust de Goethe
En français
Nouvelle production
Direction musicale Kazushi Ono
Philippe Forget
Mise en scène David Marton
Dramaturgie Barbara Engelhardt
Décors Christian Friedländer
Costumes Pola Kardum
Lumières Henning Streck
Chef des Chœurs Philip White
Faust Charles Workman
Marguerite Kate Aldrich
Méphistophélès Laurent Naouri
Brander René Schirrer
Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de LyonOpéra de Lyon
Du 7 au 22 octobre 2015
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