Cette pièce est le dernier acte visible des années de direction de Muriel Mayette-Holz à la Comédie-Française: l’entrée au répertoire de « La Maison de Bernarda Alba » de Lorca. Un huis-clos féminin sous l’autorité d’une mère intransigeante interprétée par Cécile Brune. La mise en scène très cinématographique de Lilo Baur fait rayonner les comédiennes de la salle Richelieu.
« La Maison de Bernarda Alba » est une pièce chorale féminine écrite par Fréderico Garcia Lorca en 1936, deux mois avant son exécution par les franquistes. Longtemps censurée sous Franco, elle entre désormais au répertoire de la Comédie-Française. Lilo Baur parvient à révéler toute la noirceur de ce drame familial sans tomber dans la pesanteur. Elle le doit tout d’abord à la nouvelle traduction de Fabrice Melquiot. Il revisite le texte de Lorca en l’inscrivant dans une intemporalité universelle. La metteuse en scène suisse peut aussi s’appuyer sur la troupe du français et notamment Cécile Brune, glaçante dans le rôle-titre de cette femme qui décrète un deuil de huit ans après le décès de son deuxième mari, obligeant ainsi ses filles à l’enfermement. Et le reste de la distribution est à l’unisson.
Le tocsin retentit, les servantes caquettent comme dans un poulailler, ce seront les seules femmes libres de la pièce. Bernarda Alba est « sèche comme un coup de trique« . Derrière le rideau de fond de scène, magnifique moucharabieh de points de broderie on voit défiler une procession (avec les élèves de la Comédie-Française). Dans cette prison, les filles de Bernarda Alba ne sont autorisées à se tenir qu’aux portes-fenêtres de la maison, seule ouverture sur le monde. Dans ce huis-clos funeste, la jalousie éclate. Les filles se crêpent le chignon, les tensions sont exacerbées. La plus jeune des sœur Adela (Adeline D’herny) est amoureuse du seul homme de la pièce Pepe le Romano (Elliot Jenicot). Mais il est promis à Angustias la plus âgée (le rôle est revenu à Anne Kessler après la blessure de Véronique Vella lors des répétitions). Au centre de cette galerie de portraits qui s’étale sur trois générations, il y a aussi la grand-mère (épatante Florence Viala) qui a perdu la tête. Elle est touchante.
« Une fille qui désobéit cesse d’être une fille, elle devient une ennemie » dit Bernarda Alba. Ces propos résonnent malheureusement encore dans certains coins de la planète où la tyrannie à l’égard des femmes n’a pas cessée.
Lilo Baur matérialise les rêves d’Adela dans des scènes magnifiquement chorégraphiées sur une musique de Mich Ochowak. Elle danse seule dans sa robe verte en faisant voler les plumes du poulailler puis avec Pepe dans un duo enflammé sous une pluie de riz. Avec force et simplicité, Lilo Baur donne de la puissance et de la poésie à sa mise en scène.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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