Avec cette écriture elliptique, syncopée, primaire, David Harrower nous livre une pièce atypique. Mystère, sauvagerie et sensualité sont les maîtres d’oeuvre de ce huis-clos campagnard et philosophique. Les zones d’ombres, les moments de vide, les silences, sont la force et la beauté de ce texte, qui ne livre pas tout et nous laisse travailler. Entre les mots, en creux, nous effectuons une sorte de plongée poétique. Un saut. Vertigineux. Nous touchons de près une forme de liberté, celle de la joie des mots, qui permettent la poésie. Dans un monde où règne l’inflexibilité des rapports de production, la jeune femme sait qu’elle est au plus bas de l’échelle. Femme de laboureur. Mais elle sait aussi qu’elle est capable de mieux. Cet enjeu de liberté est nécessaire au soulèvement de sa conscience. Sa rencontre avec l’écriture est bouleversante parce que, soudainement, elle se rend compte qu’elle peut tout dire, tout penser, tout imaginer, tout rêver, avec un stylo et du papier. La joie qu’elle en éprouve est si forte, si brutale, qu’elle nous touche au plus profond et nous renvoie à nos propres vies. Elle nous fait apprécier à sa juste valeur cet acquis du langage, cet acquis civilisateur, qui permet d’être libre. Sur une lande sauvage, battue par les vents, une jeune paysanne découvre la poésie, grâce à un meunier. Ils s’aiment. Quoi de plus beau ? Mais, dans l’austère moulin du meunier, les deux amants tuent un homme. Mort symbolique de celui qui n’avance pas, de celui qui refuse la culture, qui trompe, qui triche… Meurtre crapuleux et libérateur. Les personnages tuent le passé, brisent les barrières, coûte que coûte, dans une urgente nécessité. David Harrower nous rabaisse sans cesse au monde le plus cru et fait sombrer ses personnages dans un mélo des plus sordide. Jour et nuit. Nous sommes dans la vie, vraiment. Nous ressentons la beauté, puis l’horreur. C’est toute la problématique de l’humain qui est en jeu. L’homme, cet être paradoxal, capable de beauté comme de brutalité. Cet être qui recherche la liberté, les deux pieds dans la barbarie.
Des couteaux dans les poules
De david harrower
traducteur jérôme hankins
mise en scène et musiques nicolas ducron
Avec éric challier
fanny chevallier
dominique parent
accordéoniste caroline varlet
lumières paul beaureilles
costumes, patines martha roméro
réalisation son laurent doizelet
conception décor nicolas ducron, martha roméro, paul beaureilles
régie françois vallée
production H3P, coproduction Comédie de Béthune CDN Nord – Pas-de-Calais, Théâtre du Beauvaisis, Centre culturel Brassens de St-Martin-Boulogne, avec le soutien du Centre culturel A. Malraux d’Hazebrouck, de la DRAC – Pas-de-Calais, du Conseil régional – Pas-de-Calais, du Conseil général du Pas-de-Calais
La Comédie de Béthune – Centre Dramatique National Nord / Pas-de-Calaisle studio-théâtre
du 17 au 21 mai
lun 17, mar 18 et jeu 20 à 19h30
mer 19 et ven 21 à 20h30
durée 1h50
tout public à partir de 15 ans
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