Peut-on croire ses yeux ? Alors admettons qu’ils voient : une bouche suspendue à deux mètres et demi du sol et que rien ne fait taire, une silhouette en haillons qui s’agite, métronome ou phalène, devant la chambre de sa mère mourante, une femme vieillie, en robe du soir, prise dans l’incessant mouvement de bascule d’un rocking-chair… Et les oreilles, pendant ce temps-là ? Elles saisissent ou renoncent à saisir un déluge de mots qui s’abat à la vitesse de la pensée, plus perçante encore que celle de la lumière. Avec trois monologues – Not I, Footfalls et Rockaby – on retrouve ici Samuel Beckett, le plus grand peintre et le plus grand musicien de tous les dramaturges.
Actrice mais aussi danseuse, Lisa Dwan fit ses débuts à 12 ans dans Coppélia aux côtés de Rudolf Noureev. Elle s’est emparée de ces textes pour en faire une performance totale, qui pousse l’interprète dans ses retranchements physiques les plus ultimes : “Cela demande trois types de mémoire : celle de la mélodie, celle du récit, et, mais le plus important, c’est de lire le texte comme une partition musicale. Il s’agit de passer outre l’intellect de l’acteur ou du public et de jouer directement sur leurs nerfs. La vitesse permet cela, parce que l’esprit humain ne peut saisir chaque mot.” Mis en scène par Walter Asmus, qui fut à plusieurs reprises le collaborateur de Beckett, ce spectacle, après une première programmation au Royal Court Theatre, a fasciné en 2013 le West End de Londres, habitué pourtant à de moins radicales propositions. Une heure de théâtre fulgurant, laissant le spectateur sidéré et enthousiaste… Que demander de plus ?
not i/footfalls/rockaby
textes Samuel Beckett
mise en scène Walter Asmus
avec Lisa Dwan
assistant à la mise en scène Matthew McFrederick • scénographie Alex Eales • lumières James Farncombe • musique Tom Smail • son David McSeveney
Théâtre de l’Athénée
11 > 15 mars 2015
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