Racloir est une forme entre musique et théâtre, elle puise sa dramaturgie aussi bien dans les textes que dans le sonore. La présence de la parole alterne entre le parlé et le chanté/scandé, entre les textes en allemand (chantés) et leur traduction… La musique brise ici les formes, fracasse les esthétiques qu’elle approche.
Qu’il s’agisse de la terreur de l’Ange*, qui selon Benjamin est tourné vers le passé, là où ne cessent de s’amonceler ruines sur ruines, pour former une catastrophe néanmoins massive et homogène ou de l’effroi de l’ange malchanceux de Heiner Müller tourné vers un futur qui s’amasse devant lui jusqu’à l’aveugler ou l’étouffer, le regard de l’ange, et, partant, sa situation semblent être exposés, condamnés à la fréquentation de paysages dévastés, seuls à mêmes de nous révéler le vertige de l’histoire à travers l’instant de leur aperception; la fixation d’un point dans le chaos pourrait être la formule empruntée à Paul Klee. Ce vertige, selon Benjamin, révèle l’image fulgurante de l’utopie, ce qui n’a pas encore de lieu et menace de se dissoudre au moment même de son apparition, nous laissant dans une fragilité de l’instant, entre les ruines du passé et la catastrophe du progrès. Cette conception rompt aussi bien avec une croyance en le progrès qu’avec une lecture faussement linéaire de l’histoire; de même que « l’image vraie du passé passe en un éclair », le surgissement du nouveau, l’accès à l’inconnu peuvent avoir lieu en de telles fulgurances. Vertige encore que celui de l’instant refermé sur lui-même selon Müller, pétrification soudaine devant la conscience et l’épaisseur du temps, arrêt, repos nécessaire dans l’attente d’une reprise de souffle, d’un événement, dans l’attente de l’histoire…
* Dans « Sur le concept d’histoire » Walter Benjamin s’appuie sur un tableau de Paul Klee » l’Angelus Novus » pour former cette allégorie: il décrit l’ange, pris entre les ruines du passé,
auxquelles il fait face en même temps qu’il est inexorablement poussé vers un avenir auquel il ne peut échapper puisque ses ailes se sont ouvertes et offrent prise à l’effroyable
tempête du progrès; il ne voit qu’un seul et même désastre mais ne parvient pas pour autant à rassembler ce qui a été défait, démembré…
Racloir par la Compagnie D’autres cordes
Textes
DE WALTER BENJAMIN, L’ANGE DE L’HISTOIRE ET DE HEINER MÜLLER (issus des poèmes traduits par Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret – Éd. Bourgois)
Direction artistique
FRANCK VIGROUX ET ALEXIS FORESTIER
Metteur en scène
Alexis Forestier
Scénographie
Alexis Forestier
Jeu
Alexis Forestier, Franck Vigroux
Musique
Franck Vigroux
Son
Perrine Cado Son
Production Compagnie D’Autres Cordes ; Coproduction Cie Les Endimanchés.
Accueil en Résidence Anis Gras le Lieu de l’autre (Arcueil) ; Théâtre les Bernardines (Marseille), Scènes croisées de Lozère, Ville de Mende ; La Cie D’Autres Cordes reçoit le soutien de la DRAC Languedoc-Roussillon, de la Région Languedoc-Roussillon et de réseau en scène Languedoc-Roussillon.
Coréalisation L’ÉCHANGEUR – Cie Public Chéri
DUREE 1h
L’échangeur à Bagnolet
Du 29 janvier 2015 au 1 février 2015
Jeudi [22h30] – vendredi et samedi [23h30]– dimanche [20h]
le 05 juin 2015, Théâtre des Bernardines, Marseille www.theatre-bernardines.org
le 12 juin 2015, Espace des Anges, Mende www.mende.fr
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