Agnès Varda a accompagné Jean Vilar et le TNP entre 1948 et 1960. Ses photos constituent les seuls documents des premières années du Festival d’Avignon. La maison Victor Hugo consacre dans le cadre du mois de la photo, une exposition qui l’histoire de la photographie de théâtre à travers quatre pièces de Victor Hugo : Ruy Blas, Marie Tudor, Les Burgraves et Angelo, tyran de Padoue. Les photos d’Agnès Varda sont au cœur de ce voyage. Elle a immortalisé les mises en scène de Jean Vilar pour Ruy Blas en 1954 avec Gérard Philipe ou Marie Tudor en 1955 incarnée par Maria Casarès. Les tirages magnifiques ont été réalisés spécialement pour cette exposition. Agnès Varda a supervisé le travail avec la commissaire de l’exposition Alexandrine Achille.
Ces regards croisés nous emmènent aussi dans les années 1860-1870 avec Sarah Bernhardt magnifiée à la ville par Nadar ou par Etienne Carjat dans la Reine de Ruy Blas. On découvre aussi le travail de Claude Bricage sur Les Burgraves en 1977 dans la mise en scène par Antoine Vitez. Le parcours s’achève avec Christophe Raynaud de Lage et ses photos de Angelo, tyran de Padoue au Festival d’Avignon 2009 dans la mise en scène de Christophe Honoré.
Rencontre avec Agnès Varda qui évoque Vilar et le Festival d’Avignon
Vos photos sont au cœur de cette exposition. Votre travail auprès de Jean Vilar a été important au début de votre carrière.
Oui c’est une plongée en arrière car j’ai été photographe pour Vilar d’abord au Festival d’Avignon avant qu’il ne soit célèbre à partir de 1949 et puis dès 1951 Gérard Philipe a rejoint la troupe et cela a donné un coup de notoriété à tout le travail de Vilar. Les festivals de 1951 à 1960 ont été mémorables grâce aux acteurs et au choix des pièces. Il se trouve que mon travail de photographe exposé ici à la maison Victor Hugo est uniquement consacré aux pièces Ruy Blas et Marie Tudor. Les acteurs étaient formidables. Maria Casarès avait de l’allure. Et j’ai une énorme pensée pour la Reine de Ruy Blas, Christiane Minazolli qui vient de nous quitter. On l’avait invitée et j’aurai eu un grand plaisir à la revoir. Et cela m’a fait beaucoup de peine car la photographie est un document de la mémoire des visages et des gestes. Les photographie vivent, c’est une drôle d’impression que j’ai en les regardant.
Vos photographies sont les seules liens avec cette époque, car il n’y a très peu de documents filmés.
Oui parce que Vilar ne voulait pas. Il revendiquait l’aspect éphémère du théâtre. Il s’en servait comme base de travail. J’avais proposé de filmer, il ne l’a pas souhaité. Franju a réussi à prendre quelques prises de vue, mais c’est vrai qu’il y a très peu d’images filmées. Et tout d’un coup on se contente des images fixes qui ne rendent pas compte de la vois, de l’élan, de la mise en scène, des mouvements et de l’énergie. On est dans la catégorie document. J’ai de la chance que certaines photographies rappellent à ce point les expressions et les visages des comédiens, leur énergie dans leur rôle. J’ai l’impression que je les entend quand je les regarde. Et elles sont très bien mises en scène.
Quelle place a eu cette période dans votre vie ?
J’ai eu trois vies. Photographe, puis cinéaste et artiste visuel, ce que je fais depuis dix ans. Ce sont les souvenirs de ma première vie.
Quand vous étiez dans la Cour d’honneur, qu’est ce qui vous inspirait ?
Photographe de théâtre ce n’est pas une question d’inspiration. Il fallait avant tout rendre compte d’un spectacle. Je devais rendre compte des rapports entre les comédiens, des visages. Quelque fois je leur demandais de retrouver des positions car je connaissais les scènes par cœur. Ce n’était pas un trip personnel. J’étais au service du spectacle. Comme quand on fait un documentaire on est au service du sujet.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Théâtre et photographie Hugo, Nadar, Vilar, Varda, Vitez Honoré, Bricage, Raynaud de Lage…dans le cadre du mois de la photo du 6 novembre 2014 au 1er mars 2015 à la Maison Victor Hugo, place des Vosges à Paris
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