C’est la réouverture de l’Opéra Comique avec une opérette qui déménage sous la baguette de Marc Minkowski et dans une mise en scène endiablée de Yvan Alexandre. On redécouvre La Chauve-souris de Johann Strauss grâce à la plume acérée de Pascal Paul-Harang auteur d’une nouvelle traduction.
Cette Chauve-souris créée en 1874 à Vienne est inspirée d’une pièce autrichienne de 1851, Das Gefängnis (La Prison) adaptée par les français Henri Meilhac et Ludovic Halévy en 1872 sous le titre Le Réveillon. Offenbach n’avait souhaité la mettre en musique et l’a proposé à Johann Strauss. C’est donc un juste retour des choses qu’elle soit adaptée en français pour les fêtes de fin d’année dans une version truculente. Pascal Paul-Harang qui vit en Allemagne à Karlsruhe a magnifiquement travaillé les dialogues de cette opérette pour la rendre contemporaine et moderne avec beaucoup de clins d’œil à l’actualité en glissant subtilement des phases empruntées à Nicolas Sarkozy ou Nabila. C’est habile et cela passe très bien avec cette mise en scène remuante de Yvan Alexandre sous la baguette de Marc Minkowski.
La Chauve-souris est un vaudeville au quiproquo imparable. Une femme, un mari, un amant. L’amant va prendre la place du mari en prison, tandis que le Prince Orlofsky donne un bal interlope et débridé dans son château, sorte de prémice à une très grosse orgie bourgeoise. Les personnages sont magnifiquement bien interprétés, de l’avocat bègue Maître Miro (Christophe Mortagne) à la bonne Adèle (Sabine Devieilhe) en passant Rosalinde (magnifique soprano belgo-suisse Chiara Skerath). Mais celui que l’on préfère est le Prince transgenre Orlofsky incarné par le contre-ténor Kangmin Justin Kim qui est irrésistible quand il chante sous les traits de la Princesse Bartolski en s’étouffant ! Le spectacle est truffé de références et les surprises sont nombreuses. Il est délicieusement irrévérencieux.
L’un des moments forts de cette version est le monologue de Frosch, le gardien de prison. Le seul rôle de l’œuvre qui n’est pas chanté. Il est tenu ici par le comédien Atmen Kelif. Cabotin à souhait, il arrange le public, les musiciens et le chef dans la plus pure tradition du stand-up. On a beaucoup ri à ses allusions à l’actualité et notamment au budget de la culture en France et au sort dramatique dont est victime l’ensemble de Marc Minkowski à Grenoble. (Le gel des 8% des crédits de l’Etat cumulé à une situation tendue avec le nouveau Maire écologiste menace la survie de l’ensemble.) C’est grinçant et cela ne détone dans ce spectacle totalement enchanteur qui renouvelle le genre de l’opérette.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Chauve-Souris
OPÉRETTE de Johann Strauss en trois actes sur un livret de Karl Haffner et Richard Genée.
D’après Le Réveillon de Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Créée au Theater an der Wien le 5 avril 1874.
Nouvelle version française de Pascal Paul-Harang.
Direction musicale, Marc Minkowski
Mise en scène, Ivan Alexandre
Avec Stéphane Degout, Chiara Skerath, Sabine Devieilhe, Frédéric Antoun, Florian Sempey, Franck Leguérinel, Kangmin Justin Kim, Christophe Mortagne, Jodie Devos, François Toumarkine, Delphine Beaulieu
Orchestre et chœur, Musiciens du Louvre Grenoble
Opéra Comique
Du 21 décembre au 1er janvier 2015
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