Rusalka, opéra féérique de Dvorak, est une oeuvre à double tranchant. Basé sur un conte d’Erben qui ne va pas sans rappeler La Petite Sirène d’Andersen ou Ondine de Friedrich de la Motte-Fouqué, le livret de Jaroslav Kvapil avoue volontiers sa tristesse sous-jacente. C’est l’audacieux Stefan Herheim qui en signe la mise en scène.
Rusalka, fille du monde des eaux, de la lune, des nuages et de la pluie, veut rejoindre le monde des hommes ; et devenir femme pour un homme – le prince – qu’elle a vu parfois se baigner dans les eaux du lac ; qu’elle a, invisible, tenu dans ses bras – étreintes que le prince a prises pour des caresses de l’eau. Ježibaba, la vieille, la sorcière, la transforme : mais rusalka, pour les hommes, sera muette et, si elle échoue dans son amour, elle sera rejetée. Ježibaba ne se fait aucune illusion sur la fin de l’histoire. vodnik non plus, le vieux maître des eaux, qui, de loin, accompagne rusalka dans le monde des hommes. Le prince, lassé de cette étrange fille muette, trahit rusalka puis la retrouve enfin pour mourir dans ses bras, de son baiser. rejetée par les hommes et par le monde des eaux, rusalka sera condamnée à l’errance.
Le livret raconte un amour impossible. Pour des raisons mythologiques dans un récit au premier degré, pour des impératifs sociaux dans une lecture plus moderne. Comme le dit Wolfgang Willaschek, le dramaturge du spectacle : le rêve de l’amour indestructible entre un homme et une femme vire au cauchemar dans la vie de tous les jours. Et le spectacle d’Herheim nous le montre d’une manière extrême mais très pertinente. Est-ce pour cette raison que sa Rusalka est une prostituée qui poursuit le rêve impossible d’une vie de couple normale pour ensuite revenir sur le trottoir qu’elle n’aurait jamais dû quitter ? Mais le metteur en scène dépasse très vite la simplicité de ce propos. Quelque part, c’est le dédain des mâles pour la femme qui est au cœur du débat et celui-ci prend toute son actualité dans le monde froid et cruel des villes.
Rusalka
Antonin Dvorak
Conte lyrique en trois actes, 1901
Livret de Jaroslav Kvapil
En tchèque.
Production du Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles, en coproduction avec l’Oper Graz
Direction musicale Konstantin Chudovsky
Mise en scène Stefan Herheim
Dramaturgie Wolfgang Willaschek
Décors Heike Scheele
Costumes Gesine Völlm
Vidéo Fettfilm Berlin
Lumières Wolfgang Göbbel
Stefan Herheim
Rusalka Camilla Nylund
Le Prince Dmytro Popov
Vodnik, l’esprit des eaux Karoly Szemeredy
Jezibaba, sorcière Janina Baechle
Princesse étrangère Annalena Persson
Trois Dryades, Garde-chasse, Chasseur
Chef des Chœurs Zsolt Czetner
Orchestre, Chœurs et Studio de l’Opéra de Lyon
Opéra de Lyon
Du 15 décembre 2014 au 1er janvier 2015
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