Le metteur en scène allemand Michel Thalheimer est désormais un habitué du théâtre de la Colline. Il monte en français l’une des pièces les plus célèbres de Heiner Müller, la Mission qui évoque la Révolution française. On a eu beaucoup de mal à se passionner pour ce spectacle.
La Mission (Der Auftrag) date de 1979. Elle raconte le parcours de trois envoyés de la Convention partis à la Jamaïque pour inciter les esclaves au soulèvement contre les Britanniques. Mais en route ils apprennent que ce n’est plus d’actualité. Bonaparte a pris le pouvoir et décide finalement de maintenir l’esclavage. Cette pièce créée en France en 1981 au Théâtre des Quartiers d’Ivry (dirigé par Philippe Adrien) est depuis rarement montée. C’est donc une bonne idée d’avoir proposé à Michel Thalheimer de donner sa vision du texte avec une distribution française. Mais le résultat n’est pas à la hauteur de l’espérance.
Cela débute pourtant bien avec un dispositif scénique imaginatif. Les comédiens apparaissent par le dessous du plateau chacun leur tour hissés par une roue en forme de croix qui les dépose sur la scène. Des riffs de guitares électrisent l’ambiance et la déclaration des droits de l’homme et du citoyen est scandée dans une ambiance clair-obscur. Les personnages sont poussiéreux, leurs visages expressionnistes sont blafards dans ce théâtre d’ombres.
« La France a besoin d’un bain de sang » dit Charlie Nelson qui se verse une bouteille de vin sur le corps. Le jeu est frontal, direct, les comédiens balancent le texte ardu d’Heiner Müller sans nous laisser le temps de respirer. Et dans cette atmosphère post-révolutionnaire on a le sentiment très désagréable d’être propulsé dans les années 70/80 dans une salle de théâtre expérimental. Il est certain que Michel Thalheimer colle à l’écriture complexe de Müller mais l’on s’est copieusement ennuyé pendant la première partie malgré la présence de Claude Duparfait, contraint d’en rajouter dans le côté grotesque dans certaines scènes.
Puis intervient le monologue de « l’homme dans l’ascenseur » en allemand. Le jeu de Stefan Konarske est impressionnant. On ne regarde pas les sous-titres qui défilent de part et d’autre de la scène (le texte est donné avant le début du spectacle). Ce monologue à la sauce kafkaïenne fait froid dans le dos mais on a beaucoup de mal à le digérer.
La dernière partie est beaucoup plus captivante et les trois comédiens face au public prennent le pas sur la mise en scène. Débarrassés du poids de la scénographie, ils sont plus convaincants. Jean-Baptiste Anoumon en Sasportas, esclave de Dubuisson est totalement captivant. Pour finir l’ange du désespoir (Noémie Develay-Ressiguier) déploie ses ailes et dit « J’ai peur de la beauté du monde. Tuez-moi, avant que je trahisse ». Une dernière image magnifique qui ne parvient cependant pas à effacer l’aridité d’un spectacle que l’on va vite oublier.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La mission de Heiner Müller
traduction de l’allemand Jean Jourdheuil et Heinz Schwarzinger
mise en scène Michael Thalheimer
scénographie Olaf Altmann
musique Bert Wrede
costumes Katrin-Lea Tag
dramaturgie Anne-Françoise Benhamou
assistanat à la mise en scène Sandrine Hutinet
avec Jean-Baptiste Anoumon, Noémie Develay-Ressiguier, Claude Duparfait, Stefan Konarske, Charlie NelsonDurée: 1h30
création à La Colline
Grand Théâtre
du 05 Novembre 2014
au 30 Novembre 2014
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
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