Carole Bouquet est rare au théâtre, elle n’a pas choisi la facilité en interprétant Rebecca dans Ashes to ashes de Pinter (dont le titre est ici Dispersion). Gérard Desarthe, également de plus en plus rare, lui donne la réplique dans cet interrogatoire conjugal glaçant.
Dans le théâtre elliptique d’Harold Pnter, Ashes to ashes est certainement la pièce la plus obscure et la plus difficile à appréhender. Un homme fait subir un interrogatoire à sa femme pour percer le mystère de sa vie extraconjugale. Il cherche à savoir qui est son amant. Rebecca a le regard grave et absent. Elle littéralement paumée et ses réponses ne sont guère convaincantes. Delvin son mari utilise une violence froide pour tenter de lui tirer les vers du nez. Carole Bouquet est comme groggy face à la colère rentrée de Gérard Desarthe qui à aucun moment n’élève la voix comme le souhait Harold Pinter et comme il l’avait mis en scène à l’époque.
Au cœur de la pièce d’Harold Pinter, il y a la souffrance d’une femme qui est obsédée par les images de l’Histoire qu’elles considèrent plus douloureuses que sa propre histoire. Harold Pinter a pensé à l’exode de la deuxième guerre mondiale, à l’holocauste, aux camps de la mort. On peut penser à d’autres images de l’actualité comme ces réfugiés chrétiens contraints de quitter l’Irak chassés par les islamistes radicaux.
Souvent la lumière se pose sur Carole Bouquet, Gérard Desarthe reste dans l’’obscurité et l’écoute. Elle conserve son châle comme un enfant chérit son doudou. Parfois sa voix est amplifiée, elle résonne dans la salle comme pour souligner son inquiétude et sa peur. On est saisit par la main de Gérard Desarthe qui enserre le cou de Carole Bouquet. Cette image se projette en ombre sur le mur de fond de leur appartement chic et design. Un décor malheureusement cossu qui ne sert pas la mise en scène. Pourquoi dans le théâtre privé, il faut toujours alourdir l’espace avec un décor réaliste bourgeois. La mise en scène tout en finesse de Gérard Desarthe et le jeu minimaliste de Carole Bouquet auraient eu encore plus de force dans un espace dépouillé, comme vient de la faire magnifiquement Frédéric Bélier-Garcia dans une autre pièce de Pinter, Trahisons, au Vieux-Colombier. Néanmoins le spectacle qui n’est pas le plus facile de cette rentrée théâtrale mérite l’attention. La pièce ne laisse pas indifférent. Il faut prendre le temps de la digérer. Une nouvelle fois Frédéric Franck ne choisit pas la facilité dans son théâtre de l’Œuvre.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Dispersion
De Harold Pinter
adaptation de Mona Thomas
avec Carole Bouquet et Gérard Desarthe
mise en scène de Gérard DesartheDurée: 1h
Théâtre de l’œuvre
A 21h du mardi au samedi
A 18h le samedi
A 15h le dimanche
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