Liquidation, un titre en forme de cri contenu pour Julie Brochen qui va bientôt quitter la direction du Théâtre National de Strasbourg. Elle est un peu amère. Et pour sa dernière mise en scène elle fait découvrir l’œuvre d’Imre Kertész, prix Nobel de littérature en 2002.
Le public du TNS aura du voir un Feydeau en cette fin d’année, L’âge d’or. Mais Julie Brochen échaudée par l’année qu’elle vient de passer a changé d’idée. Seul Théâtre National en Région, elle dirige le TNS et son école depuis 2008. Aurélie Filippetti, pourtant sensible au sort des femmes ne lui a accordé qu’une année de prolongation jusqu’au mois de juin. La metteuse en scène n’a pas « fait d’étincelles ». On lui a reproché un « manque de rayonnement ». En montant ce texte c’est une façon pour Julie Brochen de se reconstituer. « Ma propre foi a été ébranlée » nous a-t-elle expliqué. « Et cette vulnérabilité m’a permis d’être encore plus sensible à ce texte. Ce texte me fait du bien, il me guide et il m’anime d’une force. Je retrouve ma volonté intacte et mon appétit. »
Liquidation, c’est une histoire policière. Un éditeur cherche le manuscrit d’un des ses auteurs qui s’est suicidé. Il est persuadé qu’il existe. Le roman d’Imre Kertész explore plusieurs pistes, plusieurs styles dans la narration. L’adaptation de Julie Brochen est limpide. Tout le début du spectacle se concentre sur cette enquête passionnante qui nous fait plonger dans l’histoire de cet écrivain B, enfant né dans un camp de concentration. La très belle scénographie évolutive composée de panneaux coulissants qui créent les espaces permet de passer allègrement de la chambre de B aux locaux de la maison d’édition. L’interprétation de certains comédiens est malheureusement un peu fragile et chancelante. C’est le point faible du spectacle.
Mais Julien Brochen réussit à nous embarquer dans l’œuvre sombre de Kertez. Elle s’est attachée à construire la mise en scène autour du point de vue de trois personnages : Keserű – l’éditeur (Pascal Bongard), Sára – maitresse de B (Marie Desgranges) et Judit – première femme de B (Fanny Mentré). Chacun raconte à sa manière ses instants de vie avec B. Cela donne une lecture à tiroirs passionnante et éclairante. Du coup dans la dernière partie plus austère on est préparé à recevoir l’émotion du monologue de Judit lorsqu’elle évoque son voyage à Auschwitz sur les traces de l’homme qu’elle a aimé. Fanny Mentré est juste. Et l’on redécouvre ainsi des passages du roman plus personnels qui nous avait échappé. C’est aussi cela la beauté du théâtre, le sens des mots sur scène devient différent.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Liquidation
D’après le roman d’Imre Kertész
Mise en scène Julie Brochen
Traduit du hongrois Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba • Scénographie Julie Brochen et Lorenzo Albani • Lumière Olivier Oudiou • Costumes Lorenzo Albani en collaboration avec Élisabeth Kinderstuth • Coiffures et maquillage Catherine Nicolas • Assistanat à la mise en scène Hans Kùnze • Stagiaire à la mise en scène Mathilde Delahaye (élève metteur en scène du Groupe 42 de l’École du TNS)
Avec
* comédiens de la troupe du TNS
Pascal Bongard Keserű
Julie Brochen L’inspecteur, la femme de Keserű, une serveuse
Fred Cacheux* B.
Marie Desgranges* Sára
Antoine Hamel* Ádám
Ivan Hérisson* Obláth
Hans Kùnze Le fils de Keserű
David Martins* Kürti
Fanny Mentré Judit
André Pomarat Le directeur de la maison d’édition, le clochard, le médecin légiste
Production Théâtre National de Strasbourg
Les décors et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS.
Durée 2h
Théâtre National de Strasbourg
Du vendredi 29 novembre au jeudi 19 décembre 2013
Horaires Du mardi au samedi à 20h
Relâche les lundis et dimanches
Salle Koltès
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