Depuis qu’il s’est trouvé, en 1786, un librettiste pour affirmer “Prima la musica e poi le parole”, la question des rapports entre paroles et musique n’en finit pas de se poser et se reposer, de s’affirmer et se recomposer. Y aurait-il une supériorité de l’une sur les autres ? L’idéal ne serait-il pas de fondre texte et notes en un flux total et d’en finir avec ces affaires de primauté ? Ces interrogations restent ouvertes, et on voit bien l’intérêt qu’il y a aujourd’hui à confronter deux expériences intrépides, où musique et paroles voient leurs hiérarchies habituelles modifiées, étirées… ou joyeusement explosées. La première, c’est l’historique Pierrot lunaire composé en 1912 par Schoenberg, et dont Stravinski disait qu’il était “le plexus solaire autant que l’esprit de la musique du début du xxe siècle.” L’introduction du parlé-chanté – le fameux sprechgesang – n’y est pas le moindre des scandales : les poèmes décadents du Belge Giraud n’ont rien perdu de leur parfum, qui mêle l’odeur du vin et celle du soufre, le goût du sang et celui de l’absinthe, dans l’envol de “sinistres papillons noirs”… Pas moins aventureuse, l’entreprise commune de Morton Feldman et de Samuel Beckett, qui s’inaugura en ces termes : “M. Feldman, avoua un Beckett désolé, je n’aime pas l’opéra. – Comme je vous comprends, répondit le compositeur new-yorkais. – Je n’aime pas qu’on mette mes mots en musique, ajouta encore Beckett. – Je suis totalement d’accord, dit Feldman. Il est d’ailleurs très rare que je me serve de mots. J’ai écrit beaucoup de pièces vocales, et il n’y a pas un mot dedans. – Mais que voulez vous alors ? demanda Beckett. À quoi Feldman répondit : Je n’en ai pas la moindre idée.” De cette belle communion d’esprits allait naître l’adaptation par Feldman d’une pièce écrite par Beckett pour la radio. On y parle de l’Amour, de la Paresse, de l’Age et du Visage. Et cela s’appelle, bien entendu : Paroles et Musique.
Pierrot lunaire/paroles et musique
mélodrame musical d’ Arnold Schoenberg
poèmes d’ Otto Erich Hartleben
d’après l’œuvre d’ Albert Giraud
suivi de paroles et musique
texte Samuel Beckett
musique Morton Feldman
direction musicale Maxime Pascal
avec l’Ensemble Le Balcon
récitant Damien Bigourdan
scénographie et vidéo Nieto
projection sonore Florent Derex
durée : 1h20
25 > 28 septembre 2013
A 20h00
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