Reprise au Lucernaire de cette pièce qui a été créée en 2010. Coupe du Monde de Football oblige, elle devrait plaire tant aux amoureux du ballon rond qu’aux amoureux de théâtre. Ce spectacle est l’occasion pour le français Jocelyn Lagarrigue et l’allemand Rainer Sievert de parcourir 60 ans d’histoires sur les relations franco-allemandes. Un beau travail utile au moment où beaucoup de citoyens ne croient plus aux valeurs de l’Europe.
La France et l’Allemagne sont désormais les deux ciments de l’Europe du 21ème siècle, mais que d’évènements marquants ont émaillé l’histoire de nos deux pays depuis plus d’un siècle. Aujourd’hui avec les nouvelles générations les plaies des guerres sont refermées mais dans les années 80 – trente cinq après la reddition – dans la plupart des familles françaises, les allemands étaient encore appelés « les boches ». Le traumatisme n’a en fait jamais quitté les générations qui ont connu la 2ème guerre mondiale. Alors le 8 juillet 1982, au Stade Sanchez Pizjuan de Séville, en demi-finale de la Coupe du Monde, lorsque vers 22 heures le gardien de la Manschaft Harlald Schumarer vient percuter Patrick Battiston, la France entière retient son souffle. « Non, pas encore, ça recommence ! ». Ce match a alimenté bien des chroniques pendant des semaines et a fait ressortir de veille rancœur. En 2006, le 8 août, au Parc des Princes, le comédien Massimo Furlan a rejoué le match du capitaine de l’époque Michel Platini. Aujourd’hui, c’est le Théodoros group qui s’empare de ce match pour raconter 60 ans d’histoires sur les relations franco-allemandes.
Car le match de 82 n’est qu’un prétexte, un point de départ pour se plonger dans nos mémoires collectives. Les deux comédiens (le français Jocelyn Lagarrigue et l’allemand Rainer Sievert) nous font remonter le temps, ils sont touchants, souvent drôles, et toujours inventifs lorsqu’ils vont piocher dans leurs histoires personnelles, qui sont aussi les nôtres. Ils ont conçu le spectacle avec Marc Wels. « En tant qu’auteur, explique-t-il ce projet m’offre l’opportunité d’une autre écriture théâtrale. J’ai demandé à chacun de rassembler ses souvenirs et tous documents déjà écrits qui leur semblaient importants pour notre voyage. Ce qui m’intéresse en travaillant ainsi, c’est de pouvoir aborder tous les thèmes sans tabou avec toute la gamme dramaturgique allant de la comédie voire le burlesque et passant sans transition au drame. Finalement comme dans la vraie vie. Raconter avec les vitesses de notre temps. »
Jocelyn Lagarrigue et Rainer Sievert aiment travailler en collectif. Tous les deux ont goûté au travail avec Ariane Mnouchkine. On sent qu’ils n’ont pas envie de quitter le plateau, qu’ils pourraient tenir toute une nuit à raconter «leur France-Allemagne». Et même si le spectacle tire un peu en longueur dans le dernier quart d’heure, ils ont le don de capter notre attention grâce à beaucoup d’ingéniosité. Lorsque Raine Sievert explique l’histoire des deux Allemagnes au tableau noir – et en allemand, c’est irrésistible. Un grand moment burlesque, digne de Chaplin. Comédien allemand travaillant en France, Rainer Sievert est donc souvent « l’allemand de service » au cinéma. Alors Jocelyn Lagarrique lui demande de rejouer deux scènes de films récents dans lesquels il endossait l’habit de Nazi : « L’Armée Du Crime » de Robert Guédiguian et « Les Femmes De L’Ombre » de Jean-Paul Salomé. Et Rainer Sievert de lâcher cette phrase touchante : « Je gagne ma vie avec la guerre de mon père ».
Alors qu’on se le dise, ce n’est pas un spectacle centré sur le football, on entend certes avec plaisir les noms de cette grande équipe de 82 : Trésor, Genghini, Platini, Giresse (ah le but de Gigi – ses petits poings tendus vers le ciel…), Tigana, Rocheteau…Mais c’est surtout un spectacle émouvant. Il nous plonge dans « La Grande Illusion » – ce grand film humaniste et pacifiste de Jean Renoir tourné en 1937. Les deux comédiens nous transportent dans le château du Haut-Koenigsbourg pour nous faire entendre Pierre Fresnay et Erich Von Stroheim. Et puis il y a cette image du 22 septembre 1984 à Douaumont, Kohl et Mitterrand se serrant la main et scellant à tout jamais l’amitié Franco-allemande. Cela donne un spectacle intelligent, drôle, sensible qui vaut mieux que tous les manuels d’histoire.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
« France-Allemagne » un récit historico-politique
Avec Jocelyn Lagarrigue et Rainer Sievert.
Conception Jocelyn Lagarrigue Rainer Sievert Marc Wels
Mise en scène Rainer Sievert en collaboration avec Marc Wels
Son David Segalen
Lumière Wilfried Schick
Entraînement Dominique Léandri, Philippe Ducou
Production déléguée : Théodoros Group
Coproduction et soutien : Théâtre Firmin Gémier / La Piscine – scène
conventionnée d’Antony et de Châtenay-Malabry …
Le Nouveau Relax scène conventionnée de Chaumont
L’Association « Pain et Jeux »
Durée: 1h40
Du mercredi 21 mai au 12 juillet 2014
du mardi au samedi à 21h30
et les dimanches 25 mai, 1er et 8 juin à 17h00
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