Nous sommes sur un bout de quai désaffecté dans un port abandonné, des fils de fer rouillés dépassent des blocs de béton fracassés par le flot de la mer déchainée, la voile froissée d’un bateau est suspendue en fond de scène. C’est un peu le bout du monde, ou la fin d’un monde. Sur un bout de quai, un musicien (Constantin Asmanis) fait vibrer sa guitare électrique, tandis que le Coryphée (jouée par une femme – Nicole Dogué) commence à raconter l’histoire de Phèdre. Dans un flot de couleur bleu électrique, Phèdre apparaît protégée par une cape rose et orange (dessinée par Stéphane Plassier). Gilbert Ponté, le metteur en scène, a résolument choisi une vision électro de l’œuvre de Jean Racine. La salle du théâtre Douze ne se prête pas forcément à cette scénographie séduisante, que l’on préférerait voir dans un cadre plus trash, plus underground.
Gilbert Ponté a créé le Théâtre de la Birba en 1984. Il aime un « théâtre social » et utilise toute la technologie d’aujourd’hui dans ses scénographies: la télévision, la vidéo, la musique en direct. Pour Phèdre il a su aussi s’entourer d’une belle distribution. Le rôle titre est interprété par Selma Kouchy. Formée chez Roger Louret, elle a eu la chance de participer à l’aventure de « Jacques et son maître » dans la mise en scène de Nicolas Briançon. Ici elle incarne une Phèdre sensible et touchante. Sa confidente Œnone est interprétée par Yumi Fujimori – pleine de maitrise et de justesse. Thésée (Daniel Jean) est solide comme un roc, tandis qu’Hippolyte (Glen Hervé qui a débuté au côté d’Emmanuel Demarcy-Motta) est sexy dans son débardeur noir. L’ensemble a beaucoup d’allure, et la langue de Jean Racine s’intègre parfaitement dans cette scénographie « électro ».
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Adaptation : Etienne MALARD
Mise en scène par Gilbert PONTÉ assisté de : Sophie NICOLLAS
Phèdre : Selma KOUCHY Œnone : Yumi FUJIMORI Hippolyte : Glen HERVE Thésée : Daniel JEAN Le Coryphée : Nicole DOGUE Le musicien : Kosta ASMANIS
Costumes : Stéphane PLASSIER ¬Décors : Gilles TEYSSIER
Du 11 MARS au 11 AVRIL 2010
Jeudi / Vendredi / Samedi à 20h30 et dimanche 15h30.
Durée du spectacle : 1h45
Prix des places : TP 13 € / TR 11 € / Groupe scolaire et abonné 8 €
Réservations : THÉÂTRE DOUZE : 01.44.75.60.31 www.theatredouze.fr
Je suis allée hier soir voir « Phèdre ». J’ai vraiment aimé la façon dont le texte est mis en valeur. Les comédiennes (femmes surtout) sont magnifiques. C’est une très belle version de la pièce. Modernisée mais avec talent. Les costumes sont souvent très inventifs et beaux notamment la cape de Phèdre avec ce mélange de rose et orange. J’étais rentrée dans le théâtre en me disant : si je m’ennuie, je m’en vais. Et bien non j’ai été totalement prise par le rythme, le jeu et la puissance qui ressort de ce texte qui n’est pourtant pas facile ! Il y avait de nombreux collégiens dans la salle et on aurait pu craindre quelques débordements. Pourtant, pas un bruit, une écoute attentive et respectueuse imposée par le jeu de ces comédiens. Bravo pour cette belle représentation qui j’espère continuera son chemin dans d’autres lieux. MM.
Plus que de la violence, il y a de la rage dans cette mise en scène étonnante de Phèdre ! Quelque chose d’animal, de grand fauve blessé, de ces meutes qui s’entredéchirent pour la domination du mâle ou de la femelle. Depuis un moment, il faut parfois aller chercher les meilleurs spectacles de la scène parisienne ailleurs que dans les « grands » théâtres, et on peut trouver ça dommage et triste. Mais merci aux « moins grands théâtres » d’exister et de nous proposer des spectacles d’une telle qualité, des spectacles qui cherchent et inventent encore, sans pour autant se couper du public. Alors… Merci Gilbert Ponté (le metteur en scène) !