Lors de ma première création théâtrale (« Une diva à Sarcelles ») je me suis rendue compte combien le travail envisagé dans sa globalité m’était précieux.
J’écris en pensant aux comédiens (je les choisis avant même d’entamer l’écriture) ; je mets en scène en connaissant les couleurs, les humeurs, les réunions de sens que je souhaite donner à la pièce ; je produis enfin en tentant d’offrir les conditions optimales au bon déroulement de la création.
Il y a d’abord des souvenirs, des sentiments, qui deviennent des pensées obsédantes, qui prennent doucement la forme d’une histoire où les personnages deviennent les porte-paroles de mes émotions.
« Brigitte directeur d’agence » est né du fait que je suis très sensible à ce qui constitue chez chacun de nous une particularité, un territoire friable, une petite part de désordre que l’on trimballe avec soi, que l’on dissimule, ou à qui l’on donne l’apparence d’une lubie.
Cet infime sentiment de différence, je l’ai connu dès ma petite enfance. Adulte, bien sûr, j’ai réalisé que chaque homme a son histoire, son lot de différences, de douleurs, d’abandons ou d’humiliations qu’il essaye tant bien que mal d’adapter aux contingences de la société. Chacun négocie sa particularité au gré des exigences du monde extérieur. Et lorsque les différences sont ostensibles, elles demandent en plus de la négociation, un combat de chaque instant. Car la sanction populaire est souvent violente avec ce qui ne lui apparaît pas comme une évidence. Je pense à un homme obèse, une femme chauve, un transsexuel, un individu trop grand, trop petit, estropié, tordu ou simplement d’une autre couleur de peau.
Mais quel jugement portons-nous également sur celui qui nous paraît si bêtement dans la norme, si gris, si prévisible ? Ne sommes-nous pas souvent victimes du regard ou du jugement des autres ? Et les autres ne sont-ils pas eux-mêmes l’objet de classification hâtive et de procès lapidaire de notre part ? N’avançons-nous pas de façon paradoxale, entre l’appréhension de ne pas être accepté et la devise « quieta non movere » surtout ne rien changer ?
J’ai donc imaginé la rencontre deux hommes à priori diamétralement opposés, formant les deux volets d’un diptyque improbable.
Le premier homme s’appelle Damien. Il dirige une agence immobilière avec beaucoup d’humanité et d’empathie, militant dans les associations de droit au logement. Ses commissions réalisées sur les ventes étant la plus part du temps très faibles, il a attiré l’attention du fisc. Son originalité pourrait se cantonner à la façon très particulière qu’il a d’assumer son rôle de directeur d’agence, mais elle va bien au delà : quand Damien se sent déstabilisé, agressé ou mal dans sa peau, il dissipe son malaise en s’habillant en femme. Il faut alors l’appeler Brigitte et lui parler au féminin. Damien n’est pas un travesti ou un transsexuel, il est ce que l’on appelle « une grande dame » (crossdresser).
Le deuxième personnage, qui déteste son prénom, s’appelle Jacques. Il a un peu plus de cinquante ans. Il a quitté Bercy, renonçant à une brillante carrière de fiscaliste, pour devenir inspecteur des impôts. C’est un personnage zélé, mais usé par la vie. Alors qu’il pense n’effectuer qu’un contrôle de routine avec ses aléas et ses rebondissements coutumiers, Jacques va vivre auprès de Damien une rencontre déterminante qui va bouleverser son existence et faire voler en éclats les verrous avec lesquels il s’emprisonne depuis si longtemps. Note d’intention de Virginie Lemoine.
Brigitte, Directeur d’Agence
De Virginie LEMOINE
Avec : Darius KEHTARI, Serge NOEL, Michel TAVERNIER et MARIE CHEVALOT
Mise en Scène : Virginie LEMOINE
Assistant Mise en Scène : Marie CHEVALOT
Musiques : Jean-samuel RACINE
Costumes : Corinne BAERISWYL
Lumières : Patrick STAUB
du 16 janvier au 3 mars 2013
du mercredi au samedi à 19h30 et le dimanche à 15h00
relâche exceptionnelle mercredi 20 février
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