Sur scène, ils dansent la lambada et jouent au loto, mais derrière les spectacles pop et entraînants du Collectif ÈS se dessine une utopie politique, tant à travers les sujets qu’ils abordent que dans leur processus de création. Le trio Sidonie Duret, Jérémy Martinez, Émilie Szikora, depuis un an à la tête du CCN d’Orléans, partage sa vision inclusive de la danse.
Depuis 2011, les trois comparses du Collectif ÈS travaillent ensemble et ne se sont pas lâchés. « On s’est rencontré quand on était tous les trois étudiants au CNSMD [Conservatoire national supérieur de musique et de danse, NDLR] de Lyon, explique Émilie Szikora. On a commencé à créer ensemble, un peu par hasard, puis ça nous a paru évident de continuer. » Le trio de trentenaires — composé de Sidonie Duret, Jérémy Martinez et Émilie Szikora — s’est illustré ces dernières années par ses pièces joyeuses et fédératrices. Parmi elles, Karaodance (2018), Loto3000 (2020), Jackpot (2024), qui explorent les rituels populaires en interrogeant les dysfonctionnements contemporains. Cette année, About Lambada déployait une douce nostalgie des années 1990, où le trio dansait façon aérobic sur le tube planétaire du groupe franco-brésilien Kaoma, en parlant de la chute du mur de Berlin. Dans ces spectacles, ambiance festive, danse énergique et questionnements politiques se conjuguent avec inclusion des publics : « Nous privilégions souvent les pièces immersives, ce qui nous met au même niveau que les spectateurs, et nous jouons beaucoup avec les références populaires. On a envie que chacun puisse se connecter à ce qui se passe sur scène ».
En janvier 2025, le trio a été nommé à la tête du Centre chorégraphique national d’Orléans (CCNO), succédant à Maud Le Pladec, qui, elle, s’est installée à la direction du Ballet de Lorraine. Prendre la place d’une tête d’affiche ? Une force, selon Jérémy Martinez : « Nous n’avons pas voulu attendre la fin de notre carrière pour postuler et proposer notre vision, plus jeune, et des modalités un peu différentes de ce qui existait déjà. » Le trio envisage en effet la direction d’une structure culturelle sur le même modèle que leur processus créatif : « On porte tout à trois, on cosigne et on est responsable à parts égales de tous nos projets, précise Émilie Szikora. On a opéré ce travail de dialogue et d’expérimentation sur le long cours, et c’est devenu un sujet de toutes nos créations ». Et Jérémy Martinez d’ajouter : « On nous a souvent opposé que le collectif était une utopie. On aime rétorquer que c’est un projet sociétal, politique et philosophique ! Exister collectivement ne consiste pas seulement à bien s’entendre et à créer ensemble, c’est un travail complexe. »
Si codiriger un Centre chorégraphique national est devenu courant ces dernières années — comme en témoignent les nominations en 2019 du Collectif FAIR-E à Rennes, de (LA)HORDE à Marseille et, cette année, du groupe hétéroclite Jann Gallois, Dominique Hervieu, Pierre Martinez et Hofesh Shechter à Montpellier, où le CCN et l’Agora ont fusionné —, Sidonie Duret n’y voit pas une uniformisation : « Il y a plein d’autres manières de faire ensemble que la nôtre et je trouve ça passionnant ! » Installé depuis un an à Orléans, le Collectif ÈS n’a pas abandonné son projet initial de rassembler autour de la danse, mais a dû l’adapter : « À Lyon, où nous étions basés depuis quinze ans, la danse est très ancrée dans la culture. Elle est importante dans la vie des gens. À Orléans et dans la région Centre-Val de Loire, elle l’est beaucoup moins, précise Sidonie Duret. C’est l’occasion pour nous d’interroger la place du corps et de la danse dans ce territoire, mais aussi de se demander : qu’est-ce qui fait ici culture commune ? »
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
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