La chorégraphe Chantal Loïal fête les trente ans de sa compagnie Difé Kako et fait rayonner avec toujours autant de ferveur la créolité et les territoires ultramarins dans la 9e édition du Festival Mois Kréyol. Portrait.
Trente ans. C’est l’âge que Difé Kako, la compagnie de Chantal Loïal, a fêté cette année. Mêlant volontiers les styles de danse, la chorégraphe fait rayonner la culture des Antilles et la créolité, dans des spectacles aussi festifs que militants. Derrière ce projet, le parcours de la quinquagénaire renferme un pan d’histoire de la danse, et d’échanges culturels entre la Guadeloupe, l’Île-de-France et le continent africain. Cette enfant de Pointe-à-Pitre se souvient avoir esquissé ses premiers pas de danse de manière « innée », à 3 ans, avant d’apprendre le gwoka, une danse traditionnelle guadeloupéenne. « C’était étonnant car il n’y avait ni danseur ni musicien dans ma famille. Là où j’ai grandi, la musique était partout puisque les maisons restaient grandes ouvertes. C’est peut-être lié à ça. »
À la fin des années 1970, Chantal Loïal débarque en métropole et est rapidement placée à la DDASS – son parcours est raconté plus en détail dans le roman Danse avec la DDASS – et grandit dans plusieurs foyers. Elle renoue avec la danse grâce à un professeur congolais, à l’adolescence, et montre ses talents en boîte de nuit sur les rythmes de Manu Dibango et Salif Keïta. À peine majeure, elle débute dans les Ballets africains, Lokolé, puis Lemba, se produit à travers le monde, avant de rejoindre la compagnie d’un ponte, le chorégraphe d’origine ivoirienne Georges Momboye. Elle passe aussi par les références de la danse contemporaine : José Montalvo et les Ballet C de la B en Belgique, puis monte sa compagnie à la même période, dans les années 2000.
À ce moment-là, les Antilles et l’Afrique se rapprochent, retrouvant des solidarités malgré une histoire troublée par l’esclavage et ses conséquences. Chantal Loïal fait ce même chemin : « J’ai monté ma compagnie en faisant cette réconciliation. Ce que j’avais pu vivre avec les Antilles me revenait en mémoire et se liait à mes expériences africaines ». Si le solo On t’appelle Vénus (2011) rappelle la mémoire de Saartjie Baartman, dite la Vénus hottentote, Sud-africaine esclavagisée et exhibée aux Européens pour son physique perçu comme hors norme, Moun Bakannal (2024) fait jaillir les personnages masqués et la ferveur du carnaval des Antilles. Et quand elle n’organise pas de grands bals ou des projets participatifs, Chantal Loïal brise volontiers le quatrième mur dans ses spectacles, à coups de musiques live entraînantes, en invitant le public à venir sur scène.
La convivialité et les échanges sont au coeur de son projet. « À l’intérieur de Difé Kako, toutes les altérités peuvent exister, abonde-t-elle. C’est, je crois, le sens que prend le mot ‘créolité’ aujourd’hui ». À l’image des maisons ouvertes qu’elle a connues toute jeune, Chantal Loïal aime entretenir les porosités. C’est l’état d’esprit qui anime le Mois Kréyol, festival consacré à la culture et aux langues créoles qu’elle lance en 2017. Plusieurs villes françaises – métropole et territoires ultramarins compris – accueillent sa programmation pluridisciplinaire, qui comprend spectacles de danse, théâtre, humour, ateliers et projections de films. Manière de donner une place méritée à des artistes et thématiques qui restent très minoritaires en France : « Notre place n’est pas encore totalement acquise, c’est pour cela que j’ai créé le festival, pour dénoncer le manque d’investissement, mais surtout valoriser ces langues et ce patrimoine immatériel exceptionnel ».
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Mois Kréyol
Jusqu’au 7 décembre en métropole et en janvier 2026 aux AntillesJournée anniversaire Les 30 ans de Difé Kako
Conservatoire Maurice Ravel, Paris 13e
le 1er novembreMoun Bakannal
Théâtre Jacques Carat, Cachan
Le 15 novembre



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