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À Charleville-Mézières, la marionnette balte détruit en beauté

À la une, Charleville Mézières, Marionnettes
The Wood Paths d'Andrejs Jarovojs au Festival de Charleville-Mézières
The Wood Paths du Théâtre on Gertrude Street au Festival de Charleville-Mézières

The Wood Paths d’Andrejs Jarovojs / Photo Elmārs Sedols

Pour sa 23e édition, qui se tient du 19 au 28 septembre 2025, le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières met à l’honneur la création marionnettique balte. Totalement méconnu sous nos latitudes, ce champ artistique affiche une grande diversité d’esthétiques et de propos. Que ce soit envers la Nature ou envers son prochain, le penchant destructeur de l’Homme est toutefois au cœur des propositions lettones, estoniennes et lituaniennes que nous avons pu découvrir.

Les occasions de découvrir des artistes étrangers, a fortiori lorsqu’ils n’ont encore jamais présenté leur travail en France, se réduisent drastiquement depuis quelques années. La marionnette ne fait pas exception à ce contexte, bien au contraire. La labellisation récente de la discipline – les Centres Nationaux de la Marionnette (CNMa) ont été créés en 2021 – rend celle-ci particulièrement fragile face aux coupes budgétaires et donc contrainte de faire des choix, de limiter notamment l’accueil de formes lointaines. Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, dont la 23e édition a lieu du 19 au 28 septembre 2025, s’avère alors des plus précieux. S’il joue un rôle majeur dans le développement du secteur en France, il constitue en effet un espace d’accueil de formes marionnettiques du monde entier, plus ou moins éloignées des esthétiques françaises que l’on peut découvrir dans le réseau des CNMa, ainsi que dans des scènes généralistes, de plus en plus nombreuses à faire preuve d’un intérêt à l’endroit de la discipline. Alors qu’en janvier 2025, la fusion entre le Festival et l’Institut International de la Marionnette a marqué une étape de taille pour la marionnette en France, l’événement biennal dirigé par Pierre-Yves Charlois a confirmé son ouverture, sa curiosité envers des créations venues de nombreux pays étrangers.

La moitié de la vaste programmation de l’édition, qui rassemble plus de 80 compagnies, est en effet constituée de propositions venues d’ailleurs. Parmi des créations américaines, chinoises, ukrainiennes, iraniennes, israéliennes ou encore chiliennes, les pays baltes se sont vus réserver une place de choix avec un focus dont nous avons pu voir trois spectacles : The Wood Paths du Letton Andrejs Jarovojs, Transport #4 : Frontline de la compagnie Estonian Theater for Young Audiences et The Choice de la compagnie lituanienne Lélé. Très différentes les unes des autres, ces créations nous ont laissé entrevoir un paysage artistique riche et totalement méconnu du public français. Témoignant tous de l’existence d’une scène de marionnette et de théâtre d’objets contemporaine, leurs créateurs déploient des rapports complexes à l’objet, dont certains frappent par leur singularité, tandis que d’autres s’approchent davantage de tendances esthétiques qui nous sont familières. Ces approches variées offrent au public de Charleville-Mézières un riche espace de réflexion sur les possibles de la marionnette et de l’objet. La guerre étant au cœur de deux des trois pièces, et la troisième traitant de la destruction de la Nature par l’Homme, ce focus balte résonne très fortement avec l’époque.

Transport # 4 : Frontline de la compagnie Estonian Theater for Young Audiences au Festival de Charleville-Mézières

Transport #4 : Frontline de la compagnie Estonian Theater for Young Audiences / Photo Alysse Thome

 

Des hommes et des bûches

Avec son humour étrangement ténu et son travail sur un matériau brut, assez rare aujourd’hui dans le champ de la marionnette et du théâtre d’objets, The Wood Paths est des trois spectacles baltes dont nous traitons ici le plus éloigné de nos habitudes de spectateur. À en croire la productrice du Theatre on Gertrude Street (GIT), fondé en 2009 par Andrejs Jarovojs, qui y a créé en 2020 la pièce présentée cette année à Charleville, cette dernière fait partie des « performances les plus expérimentales du GIT ». Dans le dossier de presse du spectacle, cette même productrice affirme encore que le GIT est l’un des plus illustres représentants du théâtre letton indépendant, qu’elle voit comme « l’un des plus actifs et créatifs, remarquable par sa capacité à s’adapter à la situation difficile dictée par l’époque ». L’étonnement que suscite The Wood Paths au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes n’est donc pas lié au seul écart culturel qui nous sépare des Lettons. Andrejs Jarovojs, jusque-là inconnu sous nos latitudes, est célèbre dans son pays pour son théâtre expérimental, dont les formes varient très largement d’une création à l’autre. Contrairement à Claudio Stellato, à qui l’on pense forcément face à l’image de présentation de The Wood Paths, où l’on voit deux hommes s’échiner sur une même bûche – l’Italien a fait du travail sur le corps et le bois l’une de ses spécialités –, le Balte s’attaque au bois pour la première fois.

Le metteur en scène et l’interprète Rūdolfs Gediņš ont pourtant tout l’air de bûcherons aguerris, bien qu’un peu particuliers. La façon dont les deux hommes se mettent à entailler les troncs est d’emblée assez peu orthodoxe. Durant le premier quart d’heure du spectacle environ – on perd vite la notion du temps à écouter le son des outils sur le bois et à voir des copeaux emplir peu à peu la scène –, la façon dont les deux complices s’acharnent sur leurs troncs respectifs cache clairement un autre objectif qu’un simple feu de cheminée. En ciblant leurs coups au tiers de leurs troncs jusqu’à décapitation, tantôt au même rythme, tantôt de manière désynchronisée, les artistes instaurent un décalage d’abord léger, puis de plus en plus net, avec un bûcheronnage classique. Avant même le début de la coupe, alors que les deux hommes se tiennent dos au public en contemplant en silence un vaste écran blanc et qu’une imprimante se met en route pour nous dévoiler leurs pensées peu cohérentes avec le contexte – ils s’extasient, par exemple, sur la beauté du paysage –, une tonalité absurde s’affirme. Plus les coéquipiers avancent dans leur entreprise, disposant notamment le bois taillé en une sorte de forêt morte, asséchée, plus l’étrangeté est profonde. Si, dans sa performance muette, Andrejs Jarovojs évoque sans aucun doute la relation destructrice de l’Homme à la Nature, The Wood Paths se prête aussi à bien d’autres interprétations. L’évidente camaraderie entre les bûcherons, la précision de leur protocole dont la finalité nous échappe et la beauté de certaines de leurs constructions placent le spectacle au-delà de la stricte morale écologiste. La bascule finale dans un absurde extraverti, dont nous ne dirons rien sinon qu’elle réjouit autant qu’elle déroute, vient encore multiplier les approches possibles de l’univers bricolé des deux Baltes.

D’une guerre à d’autres

The Choice de la compagnie Lélé au Festival de Charleville-Mézières

The Choice de la compagnie Lélé / Photo Laura Vanseviciene

The Choice de la compagnie lituanienne Lélé et Transport #4 : Frontline de la compagnie Estonian Theater for Young Audiences empruntent des chemins esthétiques bien différents d’Andrejs Jarovojs. L’une et l’autre sont aussi très distinctes, mais reliées à l’endroit de la guerre, sujet que les théâtres de marionnettes et d’objets peuvent permettre de traiter avec une distance que la violence rend nécessaire. En découvrant Transport #4 : Frontline, on pense d’autant plus facilement à un spectacle majeur consacré à la guerre qu’il est aussi au programme de la 23e édition du Festival : Kamp de la compagnie néerlandaise Hotel Modern, créé en 2005 à Rotterdam et depuis en tournée dans toute l’Europe. Comme ce spectacle à juste titre considéré comme un événement important de l’histoire des arts de la marionnette, la création estonienne est composée de maquettes. Dans Kamp, l’espace entier d’une scène de théâtre accueille une reconstitution en modèle très réduit du camp d’Auschwitz-Birkenau, où évoluent de nombreuses figurines déplacées et filmées par trois manipulateurs.

Créée dans le cadre du projet européen Transport initié par Tin Grabnar de la compagnie slovène Maribor Puppet Theatre, la proposition estonienne présente un format beaucoup plus modeste. Comme les cinq autres formes courtes de Transport, portées par des compagnies de différents pays (Slovénie, Estonie, Pologne, Lituanie, République Tchèque) toutes programmées à Charleville-Mézières, cet opus peut se déployer dans tout type de salle : si le dispositif qu’il emploie est des plus techniques et sophistiqués, il tient sur quelques cadres métalliques faits pour recevoir des maquettes à l’échelle 1/25 – la même que les petits soldats avec lesquels jouent les enfants, expliquent les deux interprètes du spectacle en guise d’introduction. Des paysages gris, des ruines miniatures toutes différentes, et pourtant presque toutes identiques, se succèdent devant les yeux du spectateur installé tout près, au milieu d’un dispositif sonore spatialisé et d’une atmosphère lumineuse très sombre, extrêmement soignée.

Quelques témoignages de photographes de guerre lus par les acteurs viennent orienter la réflexion du spectateur dans le sens de la recherche menée par l’Estonian Theater for Young Audiences, sur l’éthique en contexte de guerre. Si les mots ont tendance à affaiblir quelque peu la portée du travail sur l’objet, Transport #4 : Frontline demeure une intéressante mise en forme et en question des violences contemporaines. Bien qu’hors focus pays baltes, il nous faut évoquer le premier volet du projet Transport, intitulé Cargo. Réalisé par le Slovène Tin Grabnar, ce spectacle possède les qualités du quatrième opus sans ses légers défauts. Consacré à l’augmentation du transport routier de marchandises, il déploie avec un fascinant souci du détail des paysages de transit – routes, péages, aires d’autoroutes – largement régis par la logique de la surconsommation.

Retour dans les pays baltes après cette escale slovène, avec The Choice de la compagnie lituanienne Lélé. Alors que Transport véhicule une esthétique très européenne, voire mondialisée, nous découvrons là un type de théâtre peu commun à notre endroit du monde. Rien de comparable toutefois avec The Wood Paths. Alors que la dramaturgie de la pièce estonienne repose sur des matériaux et des présences brutes, tout dans la création de Gintarė Radvilavičiūtė est d’une sophistication qui ne laisse rien au hasard. Fondée sur le roman éponyme d’Edith Eger, déportée à Auschwitz à 16 ans avec plusieurs membres de sa famille, cette pièce mêlant danse et marionnette est d’un formalisme qui a tendance à faire écran à la grande beauté formelle de l’ensemble. Ponctuée de quelques passages du livre d’Edith Eger diffusés en voix off, une série de tableaux mettent une danseuse aux prises avec différents membres humains et animaux couleur ocre. Figurant la fragmentation de la mémoire traumatique, le ballet que forment ensemble l’artiste et les reproductions ultra-réalistes de morceaux d’êtres vivants aurait gagné à accepter quelques fragilités. Trop lisse pour se hisser à hauteur de la violence, de la destruction qu’il évoque, The Choice s’efface devant le grand et brillant bricolage de The Wood Paths, qui nous restera comme l’un des grands souvenirs du cru 2025 du Festival de Charleville-Mézières, qui, avec son focus balte, a révélé de riches horizons marionnettiques.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

25 septembre 2025/par Anaïs Heluin
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