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Les « Monarques » aux ailes brisées d’Emmanuel Meirieu

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Emmanuel Meirieu crée Monarques au Théâtre du Nord
Emmanuel Meirieu crée Monarques au Théâtre du Nord

Photo Christophe Raynaud de Lage

Au Théâtre du Nord, le metteur en scène Emmanuel Meirieu livre une version augmentée de son précédent spectacle Sur l’aile d’un papillon, qui perd malheureusement en substance dramaturgique ce qu’il gagne en ampleur scénographique.

Comme souvent, pour ne pas dire toujours, avec Emmanuel Meirieu, l’effet « waouh » inaugural de Monarques est des plus saisissants. Après y avoir projeté une vidéo où un Canadien, parapentiste de son état, détaille la relation étroite qu’il entretient depuis qu’il est enfant avec les papillons monarques et avec son frère récemment disparu dans un accident de vol, l’artiste ne tarde pas à se débarrasser de son rideau de scène stylisé pour lever le voile sur la somptueuse scénographie qu’il a imaginée avec son fidèle complice Seymour Laval. Face au public médusé, s’imposent non pas un, non pas deux, mais bien (presque) trois wagons de La Bestia, ce convoi de marchandises, aussi surnommé « train de la mort », qui traverse le Mexique du sud au nord avec des centaines d’exilés d’Amérique centrale en quête de l’eldorado américain à son bord, ou plutôt sur son toit. Réalisé par l’atelier de construction de décors du Théâtre du Nord, dont on ne soulignera jamais assez ni le caractère essentiel ni le talent de celles et ceux qui y oeuvrent avec de l’or entre les doigts, ce dispositif scénographique à l’échelle 1:1, construit selon les vrais plans de La Bestia auxquels Emmanuel Meirieu et Seymour Laval ont eu accès par l’intermédiaire de son constructeur, est étonnant et impressionnant de minutie. Des grilles à la patine des wagons, de la forme spécifique des échelles aux roues, en passant par les rails et le poteau électrique qui sert à son alimentation, tout subjugue et rien n’est laissé au hasard, digne d’un train miniature, mais version grandeur nature. Sur le toit de ce convoi effrayant d’hostilité mécanique, est disséminée une collection de sublimes mannequins imaginés par Emily Barbelin. Tels des êtres pétrifiés par une catastrophe qui serait déjà advenue, ils hantent bien plus qu’ils n’habitent les lieux, comme s’ils étaient entre la vie et la mort.

Au pied de ce monstre métallique, un homme s’affaire. En quête de quelques gouttes d’eau, Jean, c’est son nom, porte sur ses épaules son ami Santiago – sous la forme d’une marionnette. Avec La Bestia, l’homme n’en est pas à son coup d’essai. Comme de nombreux exilés, il lui a déjà cédé un bras, le gauche, quand son compagnon d’infortune lui a laissé ses deux jambes, partiellement remplacées par une prothèse unique ; mais, en dépit du danger, il n’entend pas renoncer. Originaire d’Haïti, où sa mère, avec qui il est en contact régulier grâce à des vocaux envoyés avec son téléphone, est restée, il veut à tout prix retrouver son (demi-)frère Wilfrid qui, il y a bien des années, à quitter le domicile familial. Défiguré après que Jean lui a mordu le visage un peu trop fort lorsqu’ils étaient enfants, l’homme est, on le devine, devenu la risée de tous et n’a pas eu d’autres choix que l’exil pour survivre. Aujourd’hui, Jean veut renouer les fils fraternels rompus, quitte, s’il le faut, à en payer le prix physique. Car, loin d’être une croisière tranquille, ce périple ferroviaire, long de 2 500 kilomètres, est des plus éprouvants. Marqué par la faim et la soif, qui ne tardent souvent pas à se faire sentir, le voyage, qui s’arrête, dans le meilleur des cas, à la frontière américano-mexicaine, au pied du « mur de Trump », se fait aussi dans une alternance entre la chaleur torride de régions semi-arides et le froid glacial des montagnes, et sous la menace conjointe des malfrats, de la police de l’immigration et de « la bête » ferroviaire qui, à cause d’un moment d’inadvertance ou de sommeil trop profond, peut vous engloutir.

Ce thème migratoire n’est pas tout à fait nouveau pour Emmanuel Meirieu. En mars 2024, le metteur en scène, qui n’aime rien tant que les récits puisés dans ce réel où l’humanité survit sous la dureté de la vie, l’avait exploré, une première fois, à l’occasion d’un spectacle itinérant conçu au Théâtre de Lorient. Baptisé Sur l’aile d’un papillon, il faisait se répondre deux hommes aux trajectoires inversées : quand le premier, juché sur un fragment de La Bestia, racontait à son père les espoirs et les difficultés liés à son exil sud-nord, le second, inspiré de l’histoire de Benjamin Jordan et enroulé dans son parapente aux couleurs du papillon monarque, rassemblait les fragments de son épopée nord-sud, du Canada jusqu’au Mexique, réalisée en hommage à son frère parapentiste disparu et à la manière des lépidoptères orangés qui, chaque année, parcourent quelque 5 000 kilomètres pour passer l’hiver au sanctuaire d’El Rosario, situé sur la chaîne volcanique mexicaine. Sans jamais se croiser, ni dialoguer directement ensemble, les deux hommes se répondaient grâce à un jeu d’échos dramaturgiques subtils, où les insiders et les outsiders, les humains et les non-humains entretenaient moult correspondances. Las, en se concentrant, avec Monarques, uniquement sur La Bestia, et en délaissant assez largement le récit du parapentiste, cantonné au prologue et à l’épilogue, Emmanuel Meirieu se retrouve lui-même pris au piège de « la bête ». Une fois son impressionnant cadre scénique installé, tout se passe comme si le metteur en scène n’avait pas su trouver une voie dramaturgique pour l’habiter et le faire vivre. Co-écrit avec le comédien Jean-Erns Marie-Louise, et la complicité de Julien Chavrial et Odille Lauria, son texte se révèle famélique, insuffisamment réflexif et incapable d’embrasser le thème de la migration dans toute son ampleur.

Dès lors, le metteur en scène donne la triste impression de meubler et de tirer à la ligne – pieds et poings liés dans le faux dialogue que son personnage principal entretient avec sa marionnette blessée –, là en faisant monter à Jean une tente de fortune pour protéger Santiago, là en faisant apparaître une femme enceinte, Reina, à laquelle il ne donne aucune dimension concrète, là encore en faisant basculer l’histoire dans une curieuse fête des Morts mexicaine – jour où les papillons monarques arrivent traditionnellement au sanctuaire d’El Rosario – qui, si elle est d’actualité, paraît arriver comme un cheveu sur la soupe. Plus globalement, si quelques belles symétries réussissent à émerger, à l’instar de ces exilés mutilés que l’on répare comme les papillons monarques blessés ou de cette réunion finale entre le parapentiste et Jean qui, en unissant de leurs forces, vont permettre au second de réaliser son échappée belle, les chevilles textuelles sont un peu trop visibles, et certains parallèles un peu trop appuyés, pour permettre à l’illusion théâtrale d’advenir et au train dramaturgique de réellement se mettre en marche. Surtout, là où Emmanuel Meirieu nous a souvent ému aux larmes grâce à la compassion humaine dont, invariablement, et avec une infinie justesse, il fait preuve, le metteur en scène bascule cette fois, de manière plus qu’étonnante, du côté du pathos et du misérabilisme, desquels il se retrouve irrémédiablement prisonnier. À leur suite, sa tentative de transfigurer la cruauté du réel pour, sans crier gare, ou presque – si l’on met de côté ces ailes de papillons dont Jean affuble ses compagnons d’infortune –, faire émerger l’utopie du conte donne l’impression d’une porte de sortie un peu trop naïve, d’une envolée théâtrale qui, si elle puise sa source dans le réel, le ferait disparaître tout à trac d’un coup de baguette magique.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Monarques
Texte Emmanuel Meirieu et Jean-Erns Marie-Louise, avec la complicité de Julien Chavrial et Odille Lauria
Avec Julien Chavrial, Odile Lauria, Jean-Erns Marie-Louise
Décor Seymour Laval, Emmanuel Meirieu
Sculptures, marionnettes, mannequins et accessoires Emily Barbelin
Son et musique Félix Muhlenbach
Costumes Moïra Douguet, Emily Barbelin
Lumière Seymour Laval
Construction décor Atelier du Théâtre du Nord
Régie plateau Camille Lissarre
Renfort régie Jérémie Angouillant

Production Le Bloc Opératoire
Coproduction Le Théâtre de Lorient – CDN ; MC2: Grenoble – Scène Nationale ; Théâtre du Nord – CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France ; Le Volcan – Scène Nationale, Le Havre ; Les Célestins – Théâtre de Lyon ; Théâtre de Bourg-en-Bresse – Scène Nationale

La compagnie Le Bloc Opératoire est conventionnée par la DRAC AURA, la Région AURA et soutenue par la Ville de Lyon.

Durée : 1h25

Théâtre du Nord, CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France, dans le cadre de Fiesta, 7ème édition thématique de lille3000
du 30 octobre au 7 novembre 2025

Scène nationale de Bourg-en-Bresse
les 12 et 13 novembre

Le Vallon, Landivisiau
le 21 novembre

Théâtre des Quartiers d’Ivry, CDN du Val-de-Marne, avec le Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine
du 16 au 21 janvier 2026

MC2: Maison de la Culture de Grenoble
les 29 et 30 janvier

Le Manège, Scène nationale transfrontalière, Maubeuge
le 24 mars

Théâtre d’Aurillac, Scène conventionnée
les 26 et 27 mars

L’Estive, Scène nationale de Foix
le 2 avril

Festival Mythos, Rennes
du 8 au 11 avril

Les Célestins, Théâtre de Lyon
du 22 au 26 avril

CDN de Normandie-Rouen
les 28 et 29 avril

Le Volcan, Scène nationale du Havre
les 5 et 6 mai

Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence
les 19 et 20 mai

Le Tangram, Scène nationale d’Évreux
le 21 mai

anthéa, Antipolis Théâtre d’Antibes
le 26 mai

1 novembre 2025/par Vincent Bouquet
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