Le collectif La Bande à Léon explore avec facétie notre rapport aux hypermarchés, lieux de tous les fantasmes et de tous les excès, en adaptant les chroniques de la journaliste Florence Aubenas.
Les hypermarchés sont des espaces politiques à part entière. C’est ce que démontre Florence Aubenas, grand reporter pour le quotidien Le Monde, lorsqu’elle passe un mois dans l’Hyper U de Mende, en Lozère. Elle en tirera une série de six chroniques publiées en 2019 et adaptées ici par Gilles Ostrowsky. De part et d’autre d’un empilement de produits aux étiquettes bien apparentes, entassés sur une bande de gazon synthétique, le public fait la rencontre d’une galerie de personnages tous plus truculents les uns que les autres, et pourtant biens réels. On y croise Monsieur Nutella, cadre commercial chez Ferrero, ambassadeur de ces « produits voyous », ceux dont le prix peut faire changer un client de magasin s’il le trouve moins cher ailleurs, et qui ont donc la capacité de mettre les enseignes sous pression. On y aperçoit des consommateurs en tout genre, ceux dont c’est la seule sortie de la journée, ceux qui sont pressés, ceux qui n’aiment pas les grandes surfaces, mais qui trouvent que c’est quand même pratique. On y découvre aussi l’histoire des hôtesses de caisse, qui, parmi les plus anciennes, ont connu les recrutements « à la gueule » et le chronométrage, où il fallait passer 21 articles par minute au risque de voir son rang au classement général dégringoler.
Des pauses toilettes de neuf minutes pointées aux courses-poursuites dès l’ouverture du magasin pour atteindre le bac réfrigéré « anti-gaspi », où les promos sur la viande défient toute concurrence, le quotidien d’un hypermarché s’égrène devant nous. Ses trouvailles, mais aussi ses limites : le gâchis alimentaire, la sur-consommation, les marges intenables imposées aux producteurs et aux PME. Car le temps béni de l’âge d’or des hypermarchés où « avoir un gros chariot, c’était être quelqu’un » est bel et bien terminé. Si les grandes surfaces prennent toujours beaucoup de place dans notre consommation quotidienne, elles font aussi face à une crise structurelle qui les pousse à se réinventer : ralentir la cadence des scans à la caisse, mettre plus de bio et de circuit court dans les rayons, ré-implanter des ateliers boucherie, poissonnerie ou boulangerie. Le nouveau mot d’ordre : la proximité.
Un spectacle bien mené qui évite toute culpabilisation et qui a l’intelligence d’assumer sans détour son regard documentaire et sociologique pour mieux le mettre à distance, voire en rire franchement ; une proposition qui a la malice de ne pas éluder ses propres conditions de production – le prix de la location de la salle est affiché sur une étiquette au même titre que les autres produits ; le tout mené par une troupe joyeusement hétérogène – qui doit composer avec le choc des générations entre une comédienne qui a trente ans de métier et une jeune metteuse en scène qui voit sa patience mise à rude épreuve, mais tente de rester bienveillante en toutes circonstances. Espiègle, Au pays des hypers nous fait donc cheminer, tambour battant, à travers notre rapport aux grandes surfaces, avec tout ce que cela implique de fascination et de paradoxes.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Au pays des hypers
d’après Chroniques : Au pays des Hypers de Florence Aubenas
Adaptation Gilles Ostrowsky
Mise en scène Audrey Bertrand
Avec Sophie Cusset, Audrey Bertrand, Noé Pflieger
Collaboration artistique Anthony Lozano
Scénographie Alix Mercier
Création sonore Antoine QuintardProduction Collectif La Bande à Léon
Coproduction Le Tangram – Scène nationale (Evreux / Louviers)
Partenaires et soutiens Région Normandie Parcours Regards 2023, Les 3T – Théâtre du Troisième Type (Saint Denis), Ville de Saint-Denis, Lilas en Scène (Les Lilas), Carrefour Sainte- Geneviève-des-Bois et Montreuil en Avignon (Montreuil)Le collectif La Bande à Léon est implanté en région Île-de-France.
Durée : 1h05
Théâtre du Train Bleu, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
du 5 au 24 juillet 2025, à 16h05 (relâche les 11 et 18)
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