Pour sa cinquième création avec le collectif O Grupo Pé No Chão, qui travaille au sein des favelas de Recife, le metteur en scène Laurent Poncelet nous plonge de nouveau au coeur des quartiers périphériques du Brésil pour nous faire ressentir leur touffeur, leur violence, mais aussi leur beauté.
La compagnie grenobloise Ophélia connait bien le collectif O Grupo Pé No Chao qui propose des ateliers artistiques dans les quartiers défavorisés de Recife, au Brésil. Pour leur cinquième collaboration, la magie opère toujours. Douze artistes issus des favelas nous entraînent dans le quotidien d’une rue de Recife. Le public s’installe tandis que des groupes s’invectivent, rient, boivent des bières, se coiffent ou se font poser une manucure. Derrière un mur, une télé diffuse à fond un feuilleton populaire. Il faut être attentif pour remarquer la silhouette allongée dans la pénombre, sur un banc de la cour du lycée Mistral, une bouteille en plastique à la main. En bouleversant clown triste, il sera le fil rouge du spectacle.
Dans cette rue, il sera question d’un mariage, de trouver un travail ou d’apprendre à jouer du violoncelle sur Internet. Il sera aussi question de violence systémique – sexiste, homophobe, raciste, intra-familiale, institutionnelle. Ainsi, les séquences narratives – partiellement sur-titrées en français – s’entrecroisent avec des séquences dansées, accompagnées aux percussions et au berimbau – un instrument à cordes traditionnellement utilisé dans la capoeira. Des pas de deux langoureux laissent place à des chorégraphies de groupe puissantes, comme ces casserolades qui surviennent lorsque le visage de l’ancien président du Brésil Jair Bolsonaro apparait – évoquant celles, immenses, qui avaient résonné dans les villes de Rio, São Paulo, Brasilia ou Porto Alegre en 2020 pour protester, à coups de spatule ou de louche sur des poêles ou des marmites, contre l’inaction du Président face à l’épidémie de Covid-19.
Le bouleversant maniement des corps – mêlant l’afoxé, la capoeira et les petits parapluies bariolés typiques du frevo – rend également hommage aux racines afro-descendantes d’une partie de la population brésilienne et à une jeunesse avide d’expression et de reconnaissance. Des corps puissants se jettent au sol, des corps en colère frappent les murs, des corps joyeux célèbrent aussi la vie dans cette communauté – avant qu’une coupure de courant ne plonge le quartier dans le noir. Le tout est sublimé par la présence magnétique de Palithio (Enerson Fernando Ribeiro Alves Da Silva), frêle silhouette dégingandée. Un peu clochard, un peu bêta, il ennuie et amuse tout le monde à la fois, toujours accompagné d’une mixture étrange à laquelle il se saoule en continu. Il est l’âme errante et écorchée de la rue, ami de tous, sans vraiment sembler avoir de famille. Malgré le maniement hasardeux de séquences filmées dans les favelas de Recife – qui semblent hésiter entre le documentaire et la fiction, sans vraiment assumer l’un ou l’autre de ces partis-pris –, Roda Favela bénéficie d’une énergie puissante et d’interprètes flamboyants qui nous plongent dans la dualité magistrale des quartiers périphériques brésiliens.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Roda Favela
Texte et mise en scène Laurent Poncelet
Assistant mise en scène Jose W. Junior
Avec Myrian Vitória Rufino Santos, Deivson Cunha de França, Tayná da Silva Salomé, José Lucas de Souza Carvalho, Márcio Luiz do Nascimento, Clécio Carlos dos Santos, Alyson Victor Oliveira da Silva, Enerson Fernando Ribeiro Alves da Silva, Glaucilene Ribeiro da Fonseca, Rinaldo Tenório dos Santos, Rita de Kássia Tenório dos Santos, Laiza Vitoria da Silva, José Hilton
Lumière Jonathan Argemi
Images Martin Monti-Lalaubie
Musique Clécio Carlos dos SantosProduction Cie Ophélia Théâtre ; O Grupo Pé No Chão
Co-production Le Grand Angle de Voiron – Scène régionale, Théâtre Les Aires – Scène conventionnée, Espace Paul Jargot de Crolles
Soutien Villes de Grenoble et Crolles, Département de l’Isère, Région Auvergne-Rhône-Alpes, Institut Français, Ambassade de France au Brésil, Consulat de France à Recife, Ambassade du Brésil en FranceDurée : 1h20
11 • Avignon, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
du 5 au 24 juillet 2025, à 21h30 (relâche les 11 et 18)
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