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« Affaires familiales », le coup de maître d’Émilie Rousset

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Affaires familiales d'Émilie Rousset
Affaires familiales d'Émilie Rousset

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Entre effets de miroir et jeux de traduction, Émilie Rousset plonge au cœur d’un sujet épineux et sensible : la famille. Et orchestre un réseau d’entretiens passionnants avec avocates et justiciables, portés au plateau par des interprètes d’exception. Elle fait théâtre d’une parole documentaire d’experts sans jamais perdre le lien entre l’intime et le politique. Grisant et bouleversant.

Émilie Rousset a le chic pour porter à la scène des sujets d’Histoire et de Société dans des dispositifs scénographiques qui servent de canaux à la parole pour la faire passer de l’état brut lié à la spontanéité de l’entretien à une oralité scénique audible et incarnée sans pour autant la modifier. Elle fait théâtre à partir de témoignages patiemment recueillis, sélectionnés, recoupés, agencés et montés afin de livrer au grand jour les propos éclairés de spécialistes. En les donnant à entendre dans un contexte de théâtre, elle en active toute la dimension collective et sociétale, affirme la nécessité de questionner l’autre compétent pour comprendre et l’interview comme outil de savoir, technique d’approche et mode opératoire relationnel pour creuser au plus près de ses enjeux chaque problématique abordée. Ce faisant, elle place le public dans un espace de lucidité et de conscientisation qui permet d’entrer en contact rapproché avec des réalités qui nous échappent et replace les spectateur·rices dans leur identité citoyenne. Langage et politique sont donc les deux pôles entre lesquels naviguent des spectacles tendus par la pensée, tenus debout par une exigence à toute épreuve et la volonté d’en découdre avec les grandes questions qui nous agitent.

Avec Affaires familiales, elle semble cependant passer un cap dans la force de frappe. Certes, on reconnait sa patte, immuable, qui a fait ses preuves : jeu à l’oreillette, dispositif à l’os, vidéo parcimonieuse et dosée, et le réel qui s’impose. Cette façon de prendre au pied de la lettre la « re-présentation » d’une parole recueillie et transmise par un·e autre, récoltée d’un côté, rejouée de l’autre. Il n’y a pas de personnage à façonner dans ce théâtre documentaire, il n’y a qu’intonation, débit, vocabulaire, mouvement de la pensée oralisée. Comment le langage est le dépositaire d’une expertise de métier. Comment la langue passe de l’oreille à son émission devant témoin. Là est le nœud passionnant qu’Émilie Rousset tisse scrupuleusement avec l’application acharnée des artistes qui creusent inlassablement leur sillon. Le geste est renouvelé et il charrie une amplitude phénoménale. Son sujet n’y est pas pour rien, bien sûr. Toucher à la famille, en explorer les ressorts juridiques et les nouvelles configurations ne se fait pas sans remous, comme l’attestent les quelques personnes qui quittent la salle. Peut-être offusquées dans leurs convictions ?

Car, en allant au-devant d’avocates spécialisées en droit de la famille, Émilie Rousset aborde autant les violences intra-familiales, séparations, enlèvements d’enfants, incestes, que les droits des personnes LGBTQIA+, le militantisme et le déni judiciaire. Misogynie, homophobie, maltraitance infantile sont au cœur de ces récits qui sont autant de vécus révélateurs. Dans une scénographie épurée et symbolique signée Nadia Lauro, complice de longue date, un tapis déroulé en vagues et volumes formant un espace neutre et hors contexte, une page blanche où s’invite la vidéo, Émilie Rousset plante le public dans un face-à face-puissant. Bifrontal, le dispositif place littéralement ce qui se joue au centre et nous met en position de miroir. Voir et être vu, impossible de se soustraire à la charge du regard autant qu’à la conscience d’être un individu au sein d’un tout, une entité dans une communauté de public. Microcosme d’une société qui se regarde elle-même et au-delà,  est invitée à penser ensemble. En effet, les récits sont a minima passionnants, sinon bouleversants. Et guetter la réaction sur le visage de l’autre nous renvoie indubitablement à la répercussion intime de ces histoires. Le choc de décisions de justice hors du sens commun, l’indignation devant certaines procédures, il ne s’agit pas de faire le procès de la justice, mais de croiser les témoignages afin de livrer un panorama édifiant de l’état de nos institutions judiciaires et de la réalité de nos lois.

Pour cela, Émilie Rousset ne cantonne pas sa recherche à la France, multiplie ses sources et élargit la réflexion à l’échelle européenne. Ainsi, d’autres langues se déploient – l’Espagnol, le Portugais, l’Italien, l’Anglais –, sans recours au surtitrage habituel. La traduction est prise en charge en direct par des interprètes hors pair dans une alternance et une fluidité remarquables. Et ce détail n’en est pas un dans une dramaturgie solide et brillante qui ne laisse rien au hasard. En effet, ces Affaires familiales sont aussi affaires de transposition, transmission, traduction. Comment les entretiens menés et filmés se traduisent au plateau par le biais de comédiennes et comédiens. Comment les histoires personnelles véhiculées dans les cabinets d’avocates deviennent dossiers judiciaires, mises en récits entre les mains de la justice. Comment l’évolution de la société se traduit dans celle des lois. Comment celles-ci tiennent compte du réel. Et, last but not least, comment ces vécus d’ordre privé sont en réalité éminemment politiques, pris dans les mailles du politique. Servie par sept interprètes d’une maturité de jeu exceptionnelle, qui prennent en charge ces échanges au souffle près, cette proposition de haute volée réussit la gageure d’un théâtre du réel aussi réflexif que captivant. La circulation de la parole et la répartition des corps dans l’espace, les allers-retours avec les éléments de vidéo jamais envahissants, les liens qui se tissent entre l’image et le plateau, notamment dans les mouvements inconscients de mains, l’usage du son, tout est maîtrisé à la perfection et sert ce propos d’une force inouïe et nécessaire.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Affaires familiales
Conception, écriture, mise en scène Émilie Rousset
Avec Saadia Bentaïeb, Antonia Buresi, Teresa Coutinho, Ruggero Franceschini, Emmanuelle Lafon, Núria Lloansi, Manuel Vallade
Conception du dispositif scénographique Nadia Lauro
Musique Carla Pallone
Collaboration à l’écriture Sarah Maeght
Création lumière Manon Lauriol
Cheffes opératrices Joséphine Drouin Viallard et Alexandra de Saint Blanquat
Cadrage additionnel Italie Tommy / Cadrage additionnel Espagne Maud Sophie
Montage Carole Borne, avec le renfort de Gabrielle Stemmer
Assistante à la mise en scène Elina Martinez
Dispositif son et vidéo Romain Vuillet
Régie plateau & régie générale Jérémie Sananes
Texte écrit à partir d’entretiens réalisés notamment avec Fabíola Cardoso, Davide Chiappa, Anne Lassalle, Caroline Mécary, Lilia Mhissen, Isabel Moreira, Pauline Rongier, Hansu Yalaz, Marco Zaba, Neus Aragonès, Alice Bouissou, Véronique Chauveau, Michele Giarratano, Agnès Guimet, Montse Martí, Diodio Metro, Joana Mortaga, Luca Paladini, Morghân Peltier, Jennifer Tervil, Agathe Wehbé, les équipes du Parloir Père-Enfants ARS95, des associations Adepape95-Repairs!95, Protéger l’enfant, de la Oficina de comunicació de la Policia de la Generalitat – Mossos d’Esquadra

Production Centre dramatique national Orléans Centre-Val de Loire, initiée par la Compagnie John Corporation (conventionnée par la Drac Île-de-France et par la Région Île-de-France)
Coproduction Points communs Nouvelle Scène nationale de Cergy-Pontoise, Le Festival d’Avignon, Le Volcan Scène nationale du Havre, Le Lieu Unique (Nantes), La Comédie de Clermont-Ferrand Scène nationale, Agora-Desnos Scène nationale de l’Essonne, Théâtre de la Bastille (Paris)
Coréalisation Festival d’Avignon, La Chartreuse-CNES de Villeneuve lez Avignon dans le cadre des Rencontre(s) d’été
Avec le soutien de la Compagnie John Corporation (conventionnée par la Drac Île-de-France et par la Région Île-de-France) et l’aide précieuse du bureau de production Les Indépendances (Colin Pitrat et Hélène Moulin-Rouxel)

Durée : 2h15

Festival d’Avignon, Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon
du 9 au 17 juillet 2025, à 18h

Théâtre de la Bastille, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 19 septembre au 3 octobre

Le lieu unique, Nantes
les 7 et 8 octobre

CDN d’Orléans
du 3 au 12 décembre

Points Communs, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise
les 11 et 12 février 2026

Le Volcan, Scène nationale du Havre
les 12 et 13 mars

Scène nationale de l’Essonne, Évry-Courcouronnes
du 18 au 20 mars

10 juillet 2025/par Marie Plantin
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