Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

« White Spirit », abraser la violence de la blanchité

A voir, Brest, Les critiques, Paris, Théâtre
Marine Bachelot Nguyen, Penda Diouf, Karima El Kharraze, Essia Jaïbi, Marina Keltchewsky et Émilie Monnet composent White Spirit
Marine Bachelot Nguyen, Penda Diouf, Karima El Kharraze, Essia Jaïbi, Marina Keltchewsky et Émilie Monnet composent White Spirit

Photo Hélène Harder

Réunissant des textes de six autrices, White Spirit tresse intime et politique, propos poétique et décapant. Une œuvre polyphonique sacrément stimulante qui scrute avec subtilité et sans fard l’idéologie de la blanchité et ses violences.

Il y a presque dix ans, à l’automne 2015, naissait Décoloniser les Arts. Ce collectif fut fondé dans le sillage de la polémique autour d’Exhibit B de l’artiste sud-africain Brett Bailey – spectacle qui, en pensant dénoncer le racisme, reproduisait in fine des schémas coloniaux d’exclusion – et d’une table-ronde autour de l’absence de diversité sur les plateaux de théâtre français, organisée au Théâtre de la Colline. Dès sa naissance, le collectif réunit des personnes (artistes ou non) de toutes origines et travaillant dans le champ des arts et de la culture. Une décennie plus tard, force est de reconnaître que les choses ont tout de même un brin bougé. Oh, le plus gros – l’essentiel, même – reste à faire, tant les structures de pouvoir, les instances de direction, de validation, de programmation comme de distribution d’aides sont toujours majoritairement occupées par des personnes blanches. Néanmoins, les enjeux de la représentation et de la place faite aux personnes racisé·es, issues d’immigrations non-européennes, sont plus régulièrement mis au débat et au travail. Certain·es artistes ont accédé à une visibilité – citons Rébecca Chaillon, Penda Diouf, Betty Tchomanga – et de plus en plus de spectacles se saisissent de la problématique de la décolonisation. Si, comme toutes œuvres, les fortunes sont diverses, il est des propositions dont on sait, à les découvrir, qu’elles feront date. C’est peu de dire que White Spirit est de celles-ci.

Qualifiée de « lecture-spectacle », cette création ne pâtit nullement de son économie formelle, la modestie n’oblitérant ni la pertinence des quelques artifices de mise en scène réunis ni leur précision. Cette simplicité participe même de la précision de l’équilibre et de l’effet percutant de l’ensemble, qui se déploie à l’os. Impulsé par Marine Bachelot Nguyen, White Spirit réunit six autrices, toutes issues de différents pays et cultures : Marine Bachelot Nguyen, Penda Diouf, Karima El Kharraze, Essia Jaïbi, Marina Keltchewsky et Émilie Monnet (Marine Bachelot Nguyen et Karima El Kharraze faisant, par ailleurs, partie des personnes co-fondatrices de Décoloniser les arts). L’autrice et metteuse en scène d’origine franco-vietnamienne avait, en 2019, initié Sœurs avec Penda Diouf et Karima El Kharraze. Forte de cette expérience d’écriture sur un thème commun, elle renouvelle la proposition en élargissant le cercle. Comme le signale son intitulé, White Spirit travaille avec ironie et par l’axe majoritaire de la blanchité les questions de racisme, de colonisation, d’invisibilisation et d’assignation.

Porté par les autrices elles-mêmes – excepté le texte de Penda Diouf qu’interprète la comédienne Nina Melo –, White Spirit se déroule sur un plateau simplement occupé de chaises, pupitres et micros. Déjà en scène lorsque le public prend place dans la salle, les six artistes sont vêtues de tenues du quotidien, chacune ayant un vêtement d’une couleur spécifique, comme signe de la diversité de leurs origines. Chacune leur tour, elles se passent les micros pour porter leur texte : Toxique et irritable de Marine Bachelot Nguyen, La Théorie Pantone d’Essia Jaïbi, Xessal de Penda Diouf, White Russian de Marina Keltchewsky, Mon ami blanc de Karima El Kharraze et Miskwaa Wabishkwaa d’Émilie Monnet. Chacune leur tour, mais aussi parfois à plusieurs. Et ainsi, selon les textes, l’une ou l’autre donne une réplique, ou toutes reprennent un mot ou une phrase, tel un chœur. Dans cette façon de se solliciter les unes les autres se dessine patiemment, au fil de la représentation, les liens de sororité qui les unissent.

Chaque texte dessine une expérience intime, entre documentaire et autofiction, avec sa langue propre, qu’il s’agisse de poésie (comme chez Émilie Monnet) ou d’une façon percutante de manier l’humour ou l’ironie – citons le saisissant Mon ami blanc de Karima El Kharraze, qui déboîte avec un humour aussi féroce que juste. Chaque texte, surtout, est éminemment politique, en ce que la singularité des histoires portées s’adresse à toutes et tous, et déconstruit par de multiples facettes des mécanismes de blanchité. Cela sans mettre pour autant en équivalence les récits. Par exemple, le racisme subi plus jeune par Marina Keltchewsky – « fille de l’Est » cataloguée comme une prostituée en raison de ses origines – n’a rien à voir avec la violence de celui enduré par Essia Jaïbi, Penda Diouf ou Karima El Kharraze.

Au-delà des témoignages, ces langues bien vivantes, qui prouvent que les autrices savent en découdre avec les oppressions subies, donnent à voir des tâches aveugles, ou des angles parfois peu abordés de la question du racisme. Citons l’inénarrable aplomb – parfois teinté de condescendance, relevant très souvent d’une perpétuation d’appropriation d’imaginaires et de cultures – de personnes blanches à l’égard de la culture de personnes racisé·es (Karima El Kharraze) ; le racisme comme héritage de la colonisation dans d’anciens pays colonisés (Essia Jaïbi) ; l’assimilation forcée des populations autochtones au Québec et le retournement actuel quant à ces origines de honte en fierté – poussant certaines personnes à la falsification de leurs origines pour ne pas être du côté du colonisateur (Émilie Monnet) ; ou encore l’ambiguïté de la perception si positive des enfants métis, « pacifiant et opacifiant les violences du passé » (Marine Bachelot Nguyen). Par ce paysage riche et composite, le concept de blanchité s’incarne dans des langues, des mots, des sujets, des corps et des vécus. L’on comprend et ressent très concrètement à quel point il s’agit d’une idéologie qui, faite de normes, d’usages, de valeurs et de comportements « considérés comme étant les standards », « entraîne une distribution différenciée du pouvoir et des privilèges ». Et tout en étant baladé d’un univers littéraire et d’une histoire à l’autre, c’est un décillement des regards puissant et sensible, incisif et nécessaire que White Spirit livre.

caroline châtelet – www.sceneweb.fr

White Spirit
Sur une idée et une commande de Marine Bachelot Nguyen
Textes et jeu Marine Bachelot Nguyen, Penda Diouf / Nina Mélo, Karima El Kharraze, Essia Jaïbi, Marina Keltchewsky, Émilie Monnet
Création sonore Lundja Medjoub

Production Lumière d’août
Coproduction Mixt, terrain d’arts en Loire-Atlantique
Soutien Fondation Inkermann ; Institut français dans le cadre du programme « Des Mots à la Scène » ; La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon – Centre national des écritures du spectacle

Lumière d’août est conventionnée par le Ministère de la Culture-DRAC Bretagne, et reçoit le soutien de la Région Bretagne, du Département d’Ille-et-Vilaine, de la Ville de Rennes, et ponctuellement de Spectacle Vivant en Bretagne et de l’Institut Français.

Durée : 1h30

Vu en mai 2025 à l’Université Sorbonne Nouvelle, Paris

Théâtre Populaire Romand, La Chaux-de-Fonds (Suisse)
les 17 et 18 mai

La Maison du Théâtre, Brest
le 20 mai

Institut Français de Tunisie, Tunis
le 22 mai

Institut Français de Tunisie, Sousse
le 24 mai

17 mai 2025/par Caroline Chatelet
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Des étoiles au bout de l’ennui
Qui pour diriger la Comédie de Béthune en 2021 ?
Les Géants de la Montagne, à la lisière du réel
VIVANTS ! 2023 au Palais de la Porte Dorée
Matthias Tronqual nommé à la direction de la scène nationale de l’Essonne, Agora-Desnos
Festival d'Avignon 2023 Un Festival d’Avignon 2023 sous le signe de la vulnérabilité du monde
Silvia Costa monte Sœur·s, nos forêts aussi ont des épines de Penda Diouf Le voyage en sororité de Silvia Costa
Circulations capitales de Marine Bachelot Nguyen au Festival Off Avignon 2021 Marine Bachelot Nguyen voyage au pays des grands C
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut