Une marée noire envahit la Cour d’Honneur du Palais de Papes, comme si un bateau s’était échoué. Son pétrole a souillé le sable qui s’est noirci. La scénographie de Riccardo Hernandez fait tout de suite penser à une installation de Richard Serra. Sur la coque de la plus grande des tôles est projeté en continu le film des Frères Lumière, « Arrivée d’un train à la Ciotat ».
Cette version de « La Mouette » est distanciée et distendue. Le temps s’étire. Arthur Nauzyciel a choisi de suspendre le temps dans la Cour d’Honneur. Au texte de Tchekhov, dans la belle traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan, il a ajouté de très belles partitions musicales signées de Winter Family et du guitariste de folk anglais Matt Elliott, ainsi que des parties chorégraphiées de Damien Jalet. Alors oui le temps s’arrête. Mais dans cette Cour d’Honneur prise dans le tourbillon d’un Mistral glacial le soir de la première (20 juillet) la magie se perd un peu.
Mais quelle distribution ! Marie-Sophie Ferdane avec ses cheveux courts à la garçonne incarne une Nina rageuse. Xavier Gallais et Laurent Poitrenaux (Tréplev et Trigorine) ressemblent à deux magnifiques corbeaux noirs. Et Dominique Reymond est radieuse en Arkadina. Celle qui incarna Nina en 1984 à Chaillot avec Antoine Vitez irradie la scène lorsqu’elle lance « Je suis la Mouette » tandis que les acteurs l’entourent, portant de magnifiques masques de Erhard Stiefel.
Dommage vraiment que ce foutu mistral ait gâché une bonne partie de la soirée. A revoir en salle, au chaud !
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
LA MOUETTE D’ANTON TCHEKHOV
mise en scène Arthur Nauzyciel traduction André Markowicz, Françoise Morvan
scénographie Riccardo Hernandez lumière Scott Zielinski chorégraphie Damien Jalet
musique Winter Family, Matt Elliott son Xavier Jacquot costumes José Lévy masques Erhard Stiefel
avec Marie-Sophie Ferdane de la Comédie-Française, Xavier Gallais, Vincent Garanger, Benoit Giros, Adèle Haenel, Mounir Margoum, Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond, Emmanuel Salinger, Catherine Vuillez et les musiciens Matt Elliott ainsi queRuth Rosenthal et Xavier Klaine (Winter Family)
production Centre dramatique national Orléans/Loiret/Centre
coproduction Festival d’Avignon, Région Centre, CDDB-Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines Scène nationale, Maison des Arts de Créteil, Le Parvis Scène nationale Tarbes Pyrénées, Le Préau Centre dramatique régional de Basse-Normandie Vire, le phénix Scène nationale de Valenciennes, Théâtre national de Norvège, Maison de la Culture de Bourges Scène nationale et France Télévisions
avec le soutien de l’Institut français et de la Ville d’Orléans
Par son soutien, l’Adami aide le Festival d’Avignon à s’engager sur des coproductions.
La traduction de La Mouette par André Markowicz et Françoise Morvan est disponible en poche chez Babel – Actes Sud.
Le spectacle sera diffusé en direct sur France 2 le 24 juillet.
Durée 4 h avec entracte
COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES
20 21 22 24 25 26 27 28 À 22H
Orléans – CDN du 25 au 27 septembre 2012
TNBA – Bordeaux du 2 au 5 octobre 2012
Le Comédie de Clermont-Ferrand – du 10 au 12 octobre 2012
Le Parvis – Tarbes les 18 et 19 octobre 2012
Le Phénix – Valenciennes du 7 au 9 mars 2012
Le Préau – Vire – le 14 mars 2013
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines du 4 au 6 avril 2013
Théâtre National de Nice – du 11 au 13 avril 2013
CDDB – Lorient les 17 et 18 avril 2013
Maison des Arts de Créteil – du 24 au 27 avril 2013
Spectacle très impressionnant. Quelle exigence. Il y a tant à voir et à entendre, la musique soutenant les acteurs, eux mêmes très engagés et généreux. J’ai été un peu surprise au départ de ne pas retrouver « mon Tchekov », et puis je me suis laissée embarquer et j’ai eu l’impression de TOUT entendre, toutes les dimensions de la pièce, toutes ses couches, toutes les histoires. Pas seulement celle de la Mouette, mais aussi celle des acteurs, du Palais des papes, du Festival (les voix de Vilar et Philipe dans le vent). Ce rapport aux mort, ce theâtre hanté, ça m’a bouleversée. J’ai vu le spectacle après un deuil récent, et ce spectacle m’a immediatement reliée à cette absence, lui a donné du sens. Car la representation qui commence après la mort de son personnage principal où les morts et les vivants se retrouvent, m’a fait ressentir ce moment de théâtre comme une consolation possible. C’est un cadeau magnifique que fait cette équipe, et nauzyciel, au spectateur. J’ai redecouvert cette pièce, dans une mise en scène d’une grande beauté plastique et avec une très belle atmosphère. La puissance melancolique du spectacle, même ou grâce à ses zones d’ombre, ne m’a plus quitée.