Quatrième étage de Yann Pichot
À l’EHPAD, mon travail consistait à tout mettre en œuvre pour développer ou conserver l’autonomie des résident.e.s. Je les voyais plusieurs fois par semaine, sur le long terme. Ce temps long m’a permis de vivre nombre de situations et de rencontres singulières. Au fur et à mesure des séances, les patients partageaient des souvenirs de leur vie passée et leur vision d’un monde qui a beaucoup changé au cours de leur vie. Ils se confiaient aussi sur les difficultés de leur quotidien, leur isolement social et leur baisse d’autonomie. Malgré ces conditions difficiles, ils continuaient de vivre et de partager des instants pleins d’humour et de bienveillance.
J’ai aussi eu l’occasion de rencontrer des personnes ayant un rapport différent avec le réel, en lien avec une démence ou une maladie mentale. Elles exprimaient le sentiment d’être perdues, de la détresse et parfois du trouble lors de moments de lucidité.
Cela donnait régulièrement lieu à des interactions délicates voire conflictuelles entre soignant.e.s et résident.e.s.
Les premier.e.s ont une lourde charge de travail à effectuer en peu de temps et des horaires stricts à respecter. Les autres sont dans l’incompréhension, désireux.ses de voir leur famille, sans comprendre pourquoi il faut dîner à 18h alors qu’ils n’ont pas faim.
Cette expérience et ces rencontres avec ces personnes âgées et soignant.e.s m’ont profondément marqué et m’interrogent encore aujourd’hui. Je garde en moi la question de cette femme qui m’a un jour interpellé : “Pourquoi faut-il vivre absolument ?”.
J’ai à cœur aujourd’hui de partager mon expérience et de rendre visibles l’univers de l’EHPAD et ses conditions.
J’ai souhaité, à travers cette pièce, mettre en lumière des personnalités et des relations trop souvent cloîtrées dans ces établissements. Le lien humain est au cœur de la pièce car il est parfois le dernier élément qui donne sens à la vie des résident.e.s :
“Heureusement que vous êtes là sinon on n’aurait plus rien.”
Je m’inspire de situations qui m’ont fait rire, qui m’ont ému, interrogé, qui m’ont choqué et qui ont suscité en moi des questions, parfois restées sans réponse. Qu’est ce que l’expérience de ces personnes fragiles et de leurs soignant.e.s nous dit de notre société et de nos vies ?
Quatrième étage pose des problématiques universelles, qui nous concernent tous.tes et auxquelles nous sommes ou serons certainement confronté.e.s à un moment de notre vie.
“ Est-ce nécessaire d’être utile aux autres ou à la société pour être légitime de vivre ? Que pensons-nous pouvoir apporter aux autres quand nous avons encore la chance de pouvoir le faire ? Le faisons-nous ? Avons-nous l’impression d’être à notre place dans notre vie ?”
Note d’intention de Yann Pichot
Quatrième étage
Ecriture et mise en scène : Yann Pichot
Assistant mise en scène : Nathan Blandin
Avec
Clément Barbertéguy,
Nina Gonzalez,
Flavie Cardot,
Marie Bucas-Français,
Nicolas Chailley,
Flavia Hirschy,
Emmanuelle Heid,
Magdalena Weiszdu 3 mars au 22 mai 2025
Théâtre du Gouvernail, 5 passage de Thionville, 75 019 Paris
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !