Un opéra traditionnel cantonais menacé de fermeture transforme l’attentat manqué contre Donald Trump en spectacle burlesque et satirique.
« C’est une balle ! Il veut m’envoyer dans le cercueil ! », s’écrie un chanteur sous les rires du public. Lorsqu’un coup de feu éclate, l’acteur Loong Koon-tin, coiffé d’une perruque blond platine, sursaute et se tient l’oreille, comme l’avait fait le président américain lors de l’attaque dont il a été victime durant la campagne électorale. Cette tentative d’assassinat a donné une nouvelle source d’inspiration à cet art en déclin. Mais si le spectacle fait le plein de spectateurs, l’emblématique théâtre qui l’accueille sera, malgré tout, bientôt contraint de fermer ses portes. Il est depuis longtemps en grande difficulté financière car l’opéra cantonais, qui met d’ordinaire en scène des histoires et des légendes chinoises, a été supplanté ces dernières décennies par des formes musicales plus modernes.
Le spectacle Trump, créé en 2019 et actualisé à deux reprises, entend moderniser le genre et attirer un public plus jeune, un vrai défi à l’heure des écrans et des smartphones. « Les spectateurs veulent voir comment la scène de l’attentat peut être adaptée dans le style de l’opéra cantonais », explique le metteur en scène Edward Li. Le spectacle de près de quatre heures débute avec la rencontre entre l’ex-président américain Richard Nixon et l’ancien dirigeant chinois Mao Zedong en 1972. Puis l’intrigue se concentre sur un Donald Trump partant à la recherche d’un supposé jumeau chinois perdu de vue. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un fait également une apparition.
« Coup de fouet »
« C’est de l’opéra cantonais avec de l’humour noir », déclare Edward Li, selon qui le facteur nouveauté est l’un des principaux attraits du spectacle. Une tournée à l’étranger est également prévue car « Trump est quelqu’un que le monde entier veut connaître », souligne-t-il. La semaine dernière, les spectateurs se pressaient au théâtre Sunbeam, vieux de plus d’un demi-siècle, avec sa façade emblématique formée de néons et d’affiches. Le hall d’entrée est orné de calligraphies, d’un gong et d’un tambour, ainsi que de 108 lampes rondes suspendues au plafond.
L’opéra cantonais, originaire du sud de la Chine, est devenu un pilier de la vie culturelle du Hong Kong d’après-guerre. Sa popularité a culminé autour des années 1960. Mais avec l’évolution des goûts culturels, le Sunbeam a failli fermer en 2012, avant qu’Edward Li, le metteur en scène, ne le reprenne. « L’opéra cantonais est à son plus bas et proche de la mort. On doit lui donner un coup de fouet », déclare-t-il. Ce ne sera en tous les cas pas suffisant pour sauver le Sunbeam, qui fermera définitivement ses portes le 3 mars. Ses nouveaux propriétaires prévoient de le transformer en église évangélique.
Éloges et moqueries
Les autorités affirment avoir dépensé 200 millions de dollars hongkongais (25 millions d’euros) en deux décennies pour promouvoir l’opéra cantonais. Un théâtre spécialement conçu à cet effet a même été inauguré en 2019. Mais Dennis Cheng, un acteur, n’est « pas optimiste » quant à l’avenir de cet art, en raison du manque de salles et de la chute du nombre de spectateurs, dit-il. Selon lui, il sera difficile de reproduire ailleurs l’atmosphère du Sunbeam, où les artistes se sentaient comme chez eux.
Depuis sa première en 2019, le « spectacle Trump » a suscité à la fois des éloges et des moqueries. Et les spectateurs venus par simple curiosité seront-ils attirés par des représentations plus conventionnelles ? Matthew Tsui, un lycéen, dit avoir découvert l’opéra cantonais grâce à sa grand-mère et être tombé amoureux de ses costumes élaborés. Il avoue toutefois que c’est « difficile de rester des heures dans un théâtre à regarder patiemment » le spectacle. Ses camarades de classe, dit-il, préfèrent la K-pop, la musique pop venue de Corée du Sud. Fanny Cheng, une grande fan d’opéra cantonais, âgée de 60 ans, dit apprécier à la fois les interprétations traditionnelles et modernes. « Ce serait dommage de perdre le Sunbeam, déclare-t-elle. Mais si le propriétaire veut vendre le bâtiment, il n’y a rien à faire. »
© Agence France-Presse
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