La chorégraphe espagnole Tamara Alegre réunit des pointures du dancehall pour faire jaillir, dans un joyeux désordre, la force contestataire et festive de cette danse.
On découvrait Tamara Alegre dans l’atmosphère humide de NX FUIMO (2022), où trois danseuses dévoilaient d’intenses booty shake. Menant une recherche artistique autour de la sexualité en créant des fictions autour des organes sexuels, la chorégraphe espagnole s’est aussi prise de passion pour le dancehall, cette danse aux ondulations sensuelles, portée par une musique populaire et née dans les années 1970 en Jamaïque. Partant d’une interrogation sur sa légitimité en tant que femme blanche, habitant en Suisse, à pratiquer cette danse, elle lui rend hommage dans 1GUH WATCH. Et, pour ce faire, convoque cinq représentants de cette culture sur scène.
Sommes-nous vraiment en train d’assister à un spectacle de danse ? Sur la scène bien éclairée et entourée de quelques gradins, trois hommes et deux femmes discutent en sirotant dans de grands gobelets en plastique rouge. Leurs tenues sont chatoyantes et plutôt streetwear : ensemble jaune poussin, chaînes en or, shorts, hauts moulants colorés et baskets. Derrière ses platines, Dj Pappi passe des musiques dancehall, entouré de ses compères. Les acolytes, qui s’amusent sur les variations de la musique, esquissent de concert des pas chaloupés.
Pour créer 1GUH WATCH, Tamara Alegre a convoqué quatre danseurs ancrés dans la culture dancehall, indissociable de la lutte politique d’une communauté marginalisée en Jamaïque : Dynamic Legends originaire de Toronto, Miss Rose, de Londres, Shanky Equanoxx, de Kingston et Eye Juice, de Finlande. Après cette introduction, leur danse explose, accompagnée par une sirène qui scande les rythmes entraînants émanant du sound system. Par groupe de deux ou trois, ils dévoilent des chorégraphies virtuoses, faisant onduler leur bassin, les genoux pliés, tapant des pieds, sautillant. À l’intensité de leurs gestes, s’adjoint une sorte de flegme, de plaisir assumé.
Dans un ensemble désordonné et joyeux, chaque performeur se présente au cours d’une danse, puis les deux danseuses se précipitent hors du plateau pour asséner de grands écarts sautés et twerks furieux, retransmis sur un écran géant installé sur scène, où ne tardent pas à suivre des interviews de danseurs interrogés sur leur relation au dancehall. Tout est too much dans 1GUH WATCH. Et à la fois très simple, direct, sans fioriture. C’est sûrement ce qui rend cette expérience jouissive, surprenante. Le public rejoint les danseuses et danseurs sur scène pour une danse collective. Une façon de témoigner que le dancehall brise les barrières entre danses sociales et danses spectaculaires ?
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
1GUH WATCH
Conception, proposition Tamara Alegre
Chorégraphie Dynamic Legends, Miss Rose, Shanky Equanoxx, Eye Juice, Tamara Alegre
Avec Dynamic Legends, Miss Rose, One Rockkaz, Pinky Tallawah
Musique Dj Pappi
Regard extérieur Jeremy Nedd
Visuels et assistance Eye Juice / Lumi Pulkkinen
Ateliers collaboratifs Powered by Maza / Badness Dancehall EventProduction FUEGO CONTIGO
Coproduction Arsenic (Lausanne) ; Points communs – Nouvelle Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise
Partenaires Loterie Romande, Ernst Göhner Stiftung, SSA, Pro Helvetia, SIS, CorodisDurée : 50 minutes
Vu en mars 2025 à Points communs – Nouvelle Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise, dans le cadre du festival Arts & Humanités
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