Gaëlle Bourges livre une version jeune public et décalée de L’Histoire du soldat de Stravinsky et Ramuz. Sur scène, en compagnie de deux poupées, elle se débat avec la complexité du récit, malgré son habituelle fantaisie.
Gaëlle Bourges aime mettre en scène les histoires de la marge, qui, dans ses spectacles, se rencontrent, dans une arborescence interconnectée dont elle seule a le secret. En témoignent On va tout rendre (2020), qui rappelait le vol des cariatides de l’Acropole d’Athènes, ou Austerlitz (2023), qui esquissait une histoire de la danse croisant anecdotes de chorégraphes stars et souvenirs des interprètes de la pièce. Dans cette dernière création pensée pour le jeune public, elle s’attaque à la pièce L’Histoire du soldat composée par Igor Stravinsky en 1917 sur un texte de Charles-Ferdinand Ramuz. Avec La petite soldate, elle prend à bras-le-corps ce spectacle atypique pour trois récitants, qu’elle transpose dans le contexte de la guerre d’Algérie en changeant le genre des personnages.
Conçu pendant la Grande Guerre, L’Histoire du soldat tranche, par sa forme modeste, avec les ballets stravinskiens. Sorte d’opéra-ballet de chambre conçu pour un théâtre itinérant, il a été composé durant l’exil de Stravinsky en Suisse, à l’époque de la Révolution russe, où il rencontre l’auteur helvète Ramuz. L’intrigue raconte l’histoire d’un soldat en permission qui vend son âme, incarné par un violon, au diable, contre un livre qui peut lire l’avenir. Mais le diable l’a dupé. Au lieu de séjourner trois jours avec Satan, il est retenu trois ans. Ni sa famille ni sa fiancée, désormais mariée, ne le reconnaissent.
De ce mimodrame (forme théâtrale mimée), la chorégraphe offre une version teintée de fantaisie et encore plus modeste, en occupant la scène avec deux poupées de chiffons à taille humaine : le diable et la soldate. Gaëlle Bourges (en alternance avec Helen Heraud) incarne la narratrice, grimée en John Travolta dans La fièvre du samedi soir, perruque et costard blanc compris.
Dans cette adaptation décalée, les pas de côtés se multiplient. Tous les personnages deviennent féminins, à l’exception de la fiancée. La guerre, en toile de fond, devient la guerre d’Algérie, dont on voit par intermittence des images projetées sur scène. La musique disco est une bande-son des Bee Gees et une piste de danse aux carrés lumineux orne la scène. L’ambition de Gaëlle Bourges de remettre au centre des récits marginaux est toujours claire, mais son audace, sa fantaisie et sa liberté cohabitent ici avec la confusion. En raison de l’étrangeté du texte initial ?
Lors des représentations en langue des signes française, la chorégraphe est accompagnée sur scène d’une autre narratrice (Lucie Lataste en alternance avec Milou Rigaud), devenue reine du dancefloor dans une longue robe à sequins dorés. La présence de la comédienne ajoute une nouvelle couche plutôt salutaire à ce récit complexe. Complètement intégrée à la mise en scène, presque danseuse, elle permet un autre mode d’accès au texte, par son corps et son expressivité.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
La petite soldate
Conception Gaëlle Bourges
Assistante danse Agnès Butet
Avec Gaëlle Bourges en alternance avec Helen Heraud, Lucie Lataste en alternance avec Milou Rigaud
Récit en voix off Gaëlle Bourges, d’après le texte de Charles-Ferdinand Ramuz
Accessoires et costumes Gaëlle Bourges, Anne Dessertine
Poupées Anne Dessertine
Lumière Morgane Viroli
Musique Igor Stravinsky, The Bee Gees, KrYstian, Stéphane Monteiro aka XtroniK
Régisseuse générale Tatiana Carret
Régisseuse lumière Morgane Viroli en alternance avec Tatiana Carret
Régisseur son Stéphane Monteiro en alternance avec Guillaume OlmetaProduction Association Os
Coproduction T2G — Théâtre de Gennevilliers ; La Briqueterie – CDCN du Val-de-Marne ; Charleroi Danse – Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; Le Volcan – Scène nationale du Havre ; L’échangeur – CDCN Hauts-de-France ; Atelier de Paris / CDCN ; Lilico, Rennes ; Théâtre Antoine Vitez — Scène d’Ivry ; Théâtre Jean Vilar, Vitry-sur-Seine
Soutiens La Ménagerie de Verre dans le cadre du dispositif StudioLab ; Grand R – Scène nationale La Roche-sur-Yon ; Communauté d’agglomération de St-Quentin-en-YvelinesDurée : 1h
À partir de 9 ansVu en mars 2025 à l’Atelier de Paris – CDCN, dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne
Le Grand Bleu, Lille
du 22 au 24 maiThéâtre Eurydice – ESAT, Plaisir, dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne
le 3 octobre
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