Implanté à Dieppe depuis 2021, le cabaret La Sirène à Barbe fait vivre un espace inclusif, convivial et intergénérationnel grâce à des shows drag et circassiens. De passage au Carreau du Temple, à Paris, en février, sa troupe déploie ses talents comiques et virtuoses.
Samedi soir, une file d’attente se dessine sur la Place Nationale à Dieppe, quasi déserte. En juin 2021, Nicolas Bellenchombre, alias Diva Béluga, montait le cabaret La Sirène à Barbe dans l’ancien cinéma, attenant à une poissonnerie et juste en dessous d’une salle de fitness. Tous les vendredis et samedis, une joyeuse bande de drag queens, chanteur·euse·s et circassien·ne·s s’y produisent, dans une ambiance dîner-spectacle aussi conviviale qu’irrévérencieuse.
C’est Diva Béluga qui ouvre le bal, en nous promettant de « voyager au pays des rêves, de rire, de pleurer et de frissonner ». Peu après le début des hostilités, la patronne descend dans les gradins, où sont disposées des tables. Un moyen de faire connaissance avec le public qui sirote une bière, tout en nous taclant gentiment. Les numéros se succèdent avec entrain, alternant chant, lipsync et cirque, variant les registres, comique, lyrique, parfois presque érotique. Maxime Sartori, alias Sweety Bonbon, entonne le Temps des fleurs de Dalida derrière son piano, armée de sa puissance vocale et de son sarcasme désopilant. L’acrobate Herwan Legaillard impressionne avec sa prestation d’avaleur de sabres – de toutes formes, ondulés ou courbés. Alonso Gyne tourbillonne dans des numéros dans les airs, sur des sangles aériennes, ou dans un cerceau. Quant à Diva Béluga, elle livre une performance sur la version flûte de My Heart Will Go On de Céline Dion, rendue célèbre par un fameux mème. On y croise aussi Vanessa Paradis, Tina Turner et Brigitte Fontaine, lipsynchées ou imitées.
Extravagance, paillettes et perruques déraisonnables sont aussi de mise chez ces reines à queue de poisson qui performant le drag avec classe et dérision. Sans y aller franchement dans la contestation politique ou le militantisme, comme ses adelphes parisien·ne·s (Cabaret de Poussière ou La Bouche) ou grenoblois·e (les Douze Travelos d’Hercule), La Sirène à Barbe parvient avec subtilité et insolence à troubler les normes hétéropatriarcales, à coups de blagues graveleuses et de danses sexy, devant un public ravi. Le spectacle se clôt sur un after show chaleureux animé par Sweety Bonbon, où l’on entonne La Javanaise et Bohemian Rhapsody accoudé au bar.
Difficile cependant de séparer le show du lieu et de sa place unique dans le paysage culturel local et régional. En 2018, dans les rues de Dieppe, Nicolas Bellenchombre se faisait violemment agresser, gardant des séquelles physiques et psychologiques. C’est en réponse à cet événement que le cinéaste trentenaire a lancé, quelques mois plus tard, son cabaret drag. Devenu l’unique spectacle de drag queens de Normandie, La Sirène à Barbe apparaît comme un bastion queer, d’inclusion et de liberté de ton. Le public intergénérationnel, habitué ou venant de l’autre bout de la France, est chouchouté par les équipes, qui n’hésitent pas à entamer la conversation pendant l’entracte. Le chant de ces sirènes résonne à travers la Normandie, et au-delà.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Cabaret La Sirène à Barbe, Dieppe
les vendredis et samedis soirsLe Carreau du Temple, Paris, dans le cadre du Festival Everybody
les 14 et 15 février 2025
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