Lundi 25 novembre, lors de sa dernière assemblée générale, Nicolas Dubourg, qui brigue un nouveau poste à la tête d’un lieu, a annoncé à ses adhérents du bureau national quitter la présidence du Syndeac (Syndicat des Entreprises Artistiques et Culturelles). Renforcé par son passage, le syndicat s’engage désormais dans une phase de consolidation.
Ce n’est plus la chambre professionnelle des débuts qui réunissait uniquement les directions des Centres Dramatiques Nationaux (CDN). Le Syndeac, créé en 1971, compte désormais plus de 500 adhérents, mêlant lieux, festivals et compagnies. Fort de ce poids, il cherche à jouer un rôle dans la définition des politiques culturelles, ainsi qu’à agir réellement sur les pratiques du secteur du spectacle vivant. « On est présent à l’Assemblée nationale, au Sénat. On produit des notes, des conseils juridiques et on commence à être un espace de formation. On veut devenir une sorte d’université en recevant des penseurs et des chercheurs qui nous permettent d’alimenter nos débats et nos décisions », explique Nicolas Dubourg, son président démissionnaire. Ayant gagné plus de 150 adhérents, engagé le syndicat dans l’actualité politique – par exemple sur son opposition au Pass Culture – et placé au cœur du débat l’idée d’un « service public des arts et de la culture » – « il y a cinq ans, le terme n’existait pas », assure-t-il –, Nicolas Dubourg s’en va avec le sentiment du devoir accompli, mais aussi conscient des difficultés qui attendent le Syndeac.
De nombreux chantiers restent en cours. Dans le spectacle vivant, l’égalité femmes-hommes progresse, mais un certain plafond de verre semble atteint. Le Syndeac demande donc que les subventions et conventions soient désormais liées à la parité des financements, tant du côté des lieux que de celui des subventionneurs – les DRAC, par exemple. Sur la diversité, le syndicat a lancé des formations sur le modèle de celles qu’il avait initiées sur les VHSS (Violences et Harcèlements Sexistes et Sexuels), ainsi qu’une étude à partir des noms des membres d’équipes dirigeantes pour dresser quantitativement – les statistiques ethniques étant interdites en France – un premier état des lieux. Enfin, grande audace dans son mandat : la volonté de repenser les modes de production et de diffusion du spectacle vivant, dans une optique écologique rompant avec le productivisme habituel, a débouché, côté ministère de la Culture, sur le plan « Mieux produire, mieux diffuser » duquel le Syndeac ne se montre pas du tout satisfait, d’autant qu’il a pu être attaqué pour l’avoir supposément inspiré. « On a pu nous le reprocher, mais c’était faire preuve de courage que de mettre la question en débat. Est-ce qu’un gouvernement libéral comme celui de Macron avait besoin de ces arguments pour nous dézinguer ? Certainement pas. On ne leur a pas donné des armes. Ils n’avaient pas besoin de ça. Et leur plan de 10 millions d’euros pour refinancer des structures qui en demandaient 100 est en complète dissonance avec notre objectif, dans son ampleur, dans sa méthode et dans son flou », tance Nicolas Dubourg.
Ne pas rendre l’argent public à ceux qui cherchent le profit
Par la voie d’un dernier éditorial qui réhabilite l’impôt, et trace une ligne selon laquelle l’argent public ne devrait pas retourner dans des entreprises visant à faire du profit, Nicolas Dubourg cherche encore « à densifier » ce concept de « service public des arts et de la culture » qu’il a placé au centre de son action. Un positionnement idéologique qui dépasse le simple secteur de la culture. « Pourquoi le théâtre public ne pourrait pas investir dans des coopératives de logement ? Dans des SCOP (Société Coopérative de Production) ferroviaires ? Prendre une vraie part dans l’économie sociale et solidaire plutôt que de sans cesse privatiser ses prestations, et rendre l’argent public à ceux qui cherchent du profit ? ». L’ancien président du Syndeac fourmille d’idées concrètes à tel point qu’on se demande pourquoi il quitte son poste.
Une opportunité professionnelle, un peu d’usure, l’encore directeur du Théâtre la Vignette de Montpellier souligne surtout combien le poste – bénévole – demande d’énergie. Régi par des statuts pensés pour hier, s’il veut continuer de grandir, le syndicat devra repenser son fonctionnement pour demain, estime-t-il. « On est clairement dans une crise de croissance ». Après cinq années où il s’est investi « à 200 % », Nicolas Dubourg souhaite que son successeur puisse faire de même, ce qui est difficilement conciliable avec une activité maintenue par ailleurs. Avec ses huit salariés permanents, une situation du spectacle vivant qui se fragilise de plus en plus, le syndicat veut continuer à jouer un rôle structurant. Le 9 décembre, le bureau national élira donc un nouveau président, qui restera en place jusqu’au renouvellement complet des instances, dans un an. « Un an de transition durant lequel il faudra sans doute repenser nos statuts. Une année cruciale si l’on veut continuer sur la voie engagée », prévient Nicolas Dubourg.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
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