Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier par Denis Podalydès

Agenda, Paris, Théâtre

Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier par Denis Podalydès

Dans un supermarché, un homme vole une canette de bière, ou plutôt la boit sur place. Quatre vigiles surviennent, le saisissent, le conduisent dans la réserve, le rouent de coups, il en meurt.

C’est arrivé en 2009 à Lyon. Tout est affreusement banal, lamentable, nul. Les personnages

sont des plus ordinaires. Rien dans la violence même qui ne soit horriblement convenu. C’est cela peut-être qui fait le plus mal : chaque élément de ce fait divers est neutre, le type qui boit la canette, les vigiles qui l’arrêtent, le lieu, le moment, etc., l’ingratitude généralisée, et pourtant la conjonction de ces éléments, leur dynamique – rien, absolument rien ne prédispose au meurtre – entraîne et déchaîne une barbarie assassine.

Le narrateur s’adresse au frère de la victime. Il en était assez proche. Peut-être s’agit-il d’une consolation. Au sens littéraire du terme : c’était une forme poétique autrefois, comme chez Malherbe : « Ta douleur, Du Périer, sera donc éternelle… » Laurent Mauvignier ne raconte pas, n’explique pas, n’instruit pas, il dit, tente de dire ce qui se refuse à toute compréhension, à toute saisie esthétique, philosophique, judiciaire ou politique.

Une phrase unique court sur soixante pages. Elle commence en ayant déjà commencé, ne comportant pas de majuscule, ouvrant par la conjonction « et » : « et ce que le procureur a dit, c’est qu’un homme ne doit pas mourir pour si peu, » et voilà, nous sommes engagés, acteur ou spectateur, dans le mouvement de cette phrase, de cette histoire, celle d’un homme qui est mort pour si peu.

Il y a dans ce texte un désir lazaréen de faire revivre, par la phrase, l’homme disparu. Je pense à Depardieu dans le film de Pialat, Sous le soleil de Satan, soulevant à bouts de bras, dans une absolue contention, le corps d’un enfant mort. Le miracle a lieu et je me suis toujours demandé pourquoi on y croyait tant, à en pleurer. À cause de l’énergie. De la patience et de l’obstination.

De l’effort désespéré, démultiplié par le désespoir lui-même. Alors que tout est dit, l’enfant inerte et sans souffle, malgré la mort et contre la mort, dans une attente et une lenteur oppressante et congestive, l’acteur retourne musculairement la violence inhumaine vers la vie, et l’enfant ouvre un oeil.

Dans l’effort d’écrire au plus près de l’insensé, à même le désastre insignifiant, page après page, mot après mot, la langue de Mauvignier, comme les bras de Depardieu, parvient, il me semble, à redonner souffle – et non pas visage ou sens –, au pauvre mort anonyme, et peut-être, à

consoler son frère, ou nous-mêmes, un tant soit peu.

Denis Podalydès, mars 2012

Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier

mise en espace et interprétation Denis Podalydès

avec la complicité de Stéphanie Daniel à la lumière

AU STUDIO-THÉÂTRE

DU 12 AU 22 AVRIL 2012 A 20H30

26 mars 2012/par Dossier de presse
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut