Présentée en première mondiale au Théâtre Garonne, à Toulouse, la nouvelle création de Meg Stuart offre une plongée dans un monde à paillettes aussi lumineux qu’inquiétant. Façonné à six mains, il est malgré tout surplombé par la figure de la chorégraphe américaine.
Depuis 20 ans, le Théâtre Garonne soutient le travail de Meg Stuart, dont la carrière a été récompensée par un Lion d’or à la Biennale de Venise en 2018. Il n’est donc pas étonnant que l’institution toulousaine ait eu la primeur de sa nouvelle création, Glitch Witch, où la chorégraphe américaine invite, sous l’impulsion du collectif Dance On, la danseuse Omagbitse Omagbemi et la compositrice et musicienne Mieko Suzuki. Lancé en 2015 par Madeline Ritter, et placé sous la direction artistique de Ty Boomershine, le groupe s’est donné pour mission de lutter pour une meilleure diversité des corps sur scène, et collabore uniquement avec des artistes âgés de plus de 40 ans. Dance On a donc fait appel à Meg Stuart pour lancer sa série de rencontres intitulée Encounters et traversée par une idée-phare : placer les chorégraphes et les danseur.ses à la même hauteur et inviter au plateau celles et ceux qui dirigent habituellement les mouvements.
Pas de quoi effrayer l’artiste américaine, qui tourne à l’international, à presque soixante ans, avec toujours autant de vitalité – cette saison, elle danse avec Tim Etchells dans leur création commune Shown and Told, dans son solo All the way around et poursuit sa collaboration avec Francisco Camacho dans Steal you for a moment. Le rendez-vous est même transformé en trio, avec la présence de la DJ et musicienne Mieko Suzuki qui compose la musique au plateau. Ici, les rôles se mélangent : tandis que l’artiste japonaise tente esquisser quelques mouvements, Meg Stuart prend ponctuellement sa place derrière les platines pour s’amuser à scratcher. Tout se fait à vue, même l’habillage, dans un processus créatif à part entière où l’habit est interrogé, palpé, comme une identité que l’on enfile et que l’on essaie. On en rigole même, dans une atmosphère de loge ou de vestiaire, on se complimente, on se conseille, et on s’habille comme on crée : de façon collective et joyeuse.
Au plateau, des boules à facettes de différentes tailles s’enfoncent dans les cendres de ce qui fut une civilisation – ou bien une soirée particulièrement incandescente ? Parsemée de planètes échouées ou de métaux précieux, l’atmosphère est autant céleste que souterraine. De la verticalité à la préhension, en passant par la communication et le langage, renaît devant nous une nouvelle forme d’existence à plusieurs. Le trio enchaîne ainsi trois tableaux où chorégraphies en miroir et improvisations se succèdent, rythmées par les basses de Mieko Suzuki, où les sonorités organiques ne sont jamais loin. Toujours exécuté à hauteur de la diversité des corps, dans un unisson imparfait, chaque mouvement est une nouvelle expérimentation où le dialogue est annoncé comme constant.
Pourtant, c’est bien le mouvement de Meg Stuart qui sert de métronome. Si la transmission au sein du processus créatif est ponctuellement interrogée – lors de séquences où la chorégraphe sert de guide à ses deux interprètes, par exemple –, l’individualité de Omagbitse Omagbemi et Mieko Suzuki a du mal à apparaître. Même lors d’envolées individuelles, le rythme cherche souvent l’appui de la chorégraphe, qui balise l’ensemble de la création et amenuise sa portée réflexive. Pour preuve, il faut attendre la « mort » de Meg Stuart, effondrée dans un coin du plateau, pour voir se révéler la bouleversante théâtralité d’Omagbitse Omagbemi dans toute sa puissance et sa pudeur. Une performance visuellement impeccable, qui ne manque pas d’humour, qui n’oublie pas de prendre du recul sur elle-même, mais qui reste surplombée par la figure, sublime et majestueuse, de sa chorégraphe.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Glitch Witch
Chorégraphie Meg Stuart
Avec Omagbitse Omagbemi, Meg Stuart, Mieko Suzuki
Musique live Mieko Suzuki
Scénographie Nadia Lauro
Création lumière Nico de Rooij
Création costumes Claudia Hill, en collaboration avec les performeuses
Dramaturgie Igor Dobričić
Assistant.es artistique Luna Luz Sanchez, Valentin Braun
Assistantes costumières Kahori Furukawa, Juliane Längin
Coordinateur technique Tom De Langhe
Son Vagelis Tsatsis
Lumières Nico de Rooij, Kevin Strik
Régisseur de plateau Matty ZighemProduction Damaged Goods ; DANCE ON / Bureau Ritter
Coproduction Théâtre Garonne – scène européenne, Toulouse ; Centre Chorégraphique National d’Orléans ; HAU Hebbel am Ufer, Berlin ; Tanzquartier Wien ; PACT Zollverein, Essen ; Kunstencentrum VIERNULVIER, Ghent ; Perpodium
Avec le soutien du Goethe- Institut et la tax shelter du gouvernement fédéral belge via Cronos InvestLa résidence à Orléans est soutenue par Culture Moves Europe, un projet financé par l’Union européenne et le Goethe-Institut. Damaged Goods est soutenue par le gouvernement flamand et la Commission communautaire flamande. Meg Stuart/Damaged Goods est artiste en résidence au Kunstencentrum VIERNULVIER. DANCE ON est un projet du Bureau Ritter, financé par le commissaire du gouvernement fédéral allemand pour la culture et les médias, le Département sénatorial de la culture et de la cohésion sociale du Land de Berlin et cofinancé par le programme Creative Europe de l’Union européenne dans le cadre de DANCE ON, PASS ON, DREAM ON.
Durée : 1h30
Théâtre Garonne, Toulouse
du 16 au 18 octobre 2024Kaaitheater, Bruxelles (Belgique), dans le cadre de Charleroi Danse
du 4 au 6 décembreConcertgebouw Brugge, Bruges (Belgique)
les 12 et 13 décembreCentre d’art VIERNULVIER, Gand (Belgique)
du 19 au 21 décembreSTUK, Louvain (Belgique)
le 16 janvier 2025HAU Hebbel am Ufer, Berlin (Allemagne)
du 30 janvier au 1er févrierTanzquartier Wien, Vienne (Autriche)
les 21 et 22 mars
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