Pour la première fois, le metteur en scène Benoît Lambert livre un spectacle à destination du jeune public. Dans Au début…, il propose une fresque ultra pédagogique sur la préhistoire, en remontant plus précisément 300 000 ans en arrière quand les Hommes ont cessé d’être des singes, dans une scénographie immersive de grotte bien pensée.
« C’est pas une vraie grotte, on dirait un genre de papier. » Voilà, c’est plié. Nous sommes au théâtre et Théo le dit d’emblée à sa complice Maud : il n’est pas question de nous faire croire qu’on peut toucher de vieilles pierres qui auraient vu passer des hommes et femmes de Cro-Magnon. D’ailleurs, l’entrée des deux artistes s’est faite une minute plus tôt sur une musique martiale façon 2001, l’Odyssée de l’espace avec un sabre laser à la main façon Star Wars. Deux enfants jouent dans ce décor parfaitement réussi : un espace longiligne, courbé au plafond et fermé, bordé de papier froissé, dans lequel quelques rangées de bancs font face à l’espace de jeu de Maud Meunissier et Théophile Gasselin, issus de la promotion 30 de l’École de la Comédie de Saint-Étienne où Au début… vient d’être créé.
Une centaine de spectateurs sont conviés à leur numéro de duettistes aux rôles clairement identifiés : la sachante et le naïf. Elle ne va cesser d’expliquer à son ami ce qu’il ignore en le renvoyant parfois à ses études dans un livre d’images sur la préhistoire. Avec ces partitions très cadrées, Benoît Lambert ne s’embarrasse pas de psychologie pour aller vers un objectif : parcourir en 55 minutes 7 millions d’années, réduites à 300 000 ans dans un second temps. Il s’appuie sur sa scénographie impeccable pour représenter une échelle de temps matérialisée par une lignée d’ampoules qui descend des cintres, montrant à quel point nos vies d’homo sapiens sont une infime portion de l’Histoire, notamment par rapport à la présence des dinosaures qu’évoque Théo. Ils se sont éteints « il y a 66 millions d’années, ça tient même pas dans la caverne ! », s’exclame Maud, en se référant toujours à sa frise historique.
La fin du paléolithique, la révolution néolithique qui marque la fin des chasseurs-cueilleurs, et donc du nomadisme : toutes ces époques sont déroulées, mais il est surtout question de progrès. Est-ce que, vraiment, c’est mieux maintenant ? Théo s’enthousiasme de l’invention de l’imprimerie, de la machine à vapeur ou d’Internet ; sa complice érudite lui adresse en retour la bombe atomique, la pollution et les abattoirs, et n’a pas froid aux yeux quand il s’agit d’aller chercher à manger au-dehors et d’affronter le danger. Dans ce spectacle chapitré en neuf parties, et qui va à toute allure, Benoît Lambert utilise au mieux son espace scénographique, alternant les moments bouillonnants de savoirs et le calme de ces deux enfants qui se reposent allongés dans un lit improvisé sur des malles aux trésors. C’est à ce moment qu’apparaissent des fresques des grottes, comme celle voisine de Chauvet évoquée avec humour – il y avait des rhinocéros en Ardèche !
Manipulant le mystère sur lequel bute Théo – comment savoir ce qui s’est passé avant que les témoignages écrits n’existent ? –, le directeur du CDN de Saint-Étienne s’amuse avec son sujet, comme il avait pu le faire il y a déjà longtemps avec, par exemple, le texte de Jean-Charles Massera We are la France (2008) concernant la société de consommation et sa précarité inhérente. Ces petits précis d’époques se picorent d’autant plus qu’ils ne sont pas surplombants tout en étant instructifs, et montrent au passage que l’ascenseur social patine : celle qui sait est fille de paléoanthropologue – la filiation est plus forte que l’école républicaine, semble-t-il. Le théâtre public en prend sa part avec ce spectacle destiné à partir en itinérance hors des grandes villes et des lieux dédiés, avec ce décor puissant qui peut être adapté aux besoins d’un rapport classique scène-salle.
Au début…
Texte et mise en scène Benoît Lambert
Avec Théophile Gasselin, Maud Meunissier
Assistanat à la mise en scène Fabien Rasplus
Scénographie, création lumière et vidéo Antoine Franchet
Création son Fabrice Drevet
Costumes Vérane Mounier
Coiffures et maquillage Nathy Polak
Construction décor Ateliers de la Comédie de Saint-Étienne – CDNProduction La Comédie de Saint-Étienne – CDN
Avec le soutien du DIESE# Auvergne Rhône-Alpes, dispositif d’insertion de L’École de la Comédie de Saint-Étienne. Benoît Lambert est Artiste de La Fabrique de la Comédie de Saint-Étienne – CDN.Durée : 55 minutes
À partir de 8 ansComédie de Saint-Étienne
du 10 au 22 octobre 2024puis dans le cadre de La Comédie nomade :
Complexe La Pêchoire, Saint-Didier-en-Velay
le 20 novembreSalle de gymnastique de la Maison des Bretchs, Le Chambon-sur-Lignon
le 23 novembreSalle polyvalente, Ussin-en-Forez
le 29 novembreSalle des fêtes, Pélussin
le 4 décembreLa Filature, Retournac
le 10 décembre
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