Dans Soudain la pierre, la compagnie belge Les Baladins du miroir met en scène l’étonnante histoire de Ferdinand Cheval et signe un spectacle honnête et happant, plutôt calibré pour le jeune public.
Quand l’obscurité se fait dans la salle, une structure en bois un brin précaire apparait au plateau. En bord de scène, un léger orchestre se met en branle : piano, trompette en sourdine et mini-batterie. Ça swingue humblement, mais ça swingue bien. Une femme enturbannée se réveille à l’étage de cette étrange construction. Elle affiche des grimaces outrées et prend des poses un tantinet hiératiques. Où sommes-nous ? Quelque part à la croisée du cirque et du spectacle jeune public, à la lisière d’un théâtre de bric et de broc et d’une œuvre de marionnettes – qui ne tarderont pas à surgir. Avec qui sommes-nous ? Cette fois, la réponse est plus aisée : avec la compagnie belge Les Baladins du miroir, mise en scène par Geneviève Knoops, laquelle présente en avant-première Soudain la pierre au festival Les Zébrures d’automne, organisé par Les Francophonies.
Il est ici question de Ferdinand Cheval, autrement appelé « facteur Cheval », du parcours et du travail de cet homme fasciné par les pierres naturellement sculptées, qui se mit en tête de construire un palais à Hauterives dans la Drôme, un palais comme il l’entendait. C’était au début du siècle dernier. Chaque jour, pendant trente-trois ans, Ferdinand Cheval apportait son caillou à l’édifice, érigeant ce drôle de bâtiment qui évoque à la fois l’architecture de Gaudi, mais aussi celle des temples thaïlandais et des grottes dépeintes dans la Bible. Une œuvre formidablement singulière qui s’impose comme une ode à l’imagination, à la fécondité des idées fixes et à l’artiste qui sommeille en chacun de nous. En 1969, grâce à l’appui d’André Malraux, le palais idéal de Ferdinand Cheval fut classé monument historique — ce qui n’est pas rien tout de même.
Nils Tavernier en tira un film avec Jacques Gamblin en 2017, L’incroyable histoire du facteur Cheval. Comme le long-métrage, le projet de Geneviève Knoops s’inscrit dans cet éloge un peu mièvre, mais plutôt touchant, des destins qui bifurquent. Et, malgré quelques réserves, nous choisissons de défendre ce spectacle. Parce que Soudain la pierre est une pièce efficace, sans flottement ni temps mort, avec une jolie partition musicale, elle-même joliment exécutée, des comédiens qui savent à peu près tout faire — musique, danse et accent marseillais —, d’inventifs éléments de décors comme ces fils de laine tressés pour représenter un cours d’eau. Et c’est déjà bien — c’est déjà même très bien. Car cette petite histoire sans prétention s’infuse doucement bien après la représentation, et qu’elle fait du bien.
Avec un tel récit, l’émotion est certes facile à provoquer. Sur scène, évidemment, l’esthétique un peu foutraquo-circassienne ne lorgne pas vers l’épure d’un Joël Pommerat, et semble un peu datée par rapport à ce qui se crée dans le théâtre public. Mais des spectacles où la mise en scène est ainsi au service de la narration s’imposent comme un travail honnête, qui rend curieux et qui délasse, qui peuvent pousser les enfants à s’intéresser au théâtre, et à cette drôle d’histoire du facteur Cheval.
Igor Hansen-Løve — sceneweb.fr
Soudain la pierre
Texte Charlotte Moors et Geneviève Knoops
Mise en scène Geneviève Knoops
Avec Line Adam, Frédéric Dailly, Monique Gelders, Aurélie Goudaer, Virginie Pierre et Julien Vanbreuseghem
Création musicale Line Adam
Création costumes Marie Nils, Isabelle Airaud assistées de Daniel Hélin, Soline Brunet, Cécile Vannest
Scénographie Aline Claus, Isis Hauben assistées de Billie Locus, Ilan Notebaert, Antonin Lefevre
Constructions Mathieu Moerenhout, assisté de Damien Drosson
Création lumière Ananda MurinniProduction Compagnie Les Baladins du Miroir
Soutien La Roseraie
Partenaires Fédération Wallonie-Bruxelles, Région Wallonne, Province du Brabant Wallon et la Loterie Nationale
Accueil en partenariat avec le Centre culturel Jean Gagnant — maison de la création artistiqueDurée : 1h15
CCM Jean Gagnant, Limoges, dans le cadre des Zébrures d’automne
les 26 et 28 septembre 2024Habay-la-Neuve (Belgique)
du 11 au 13 octobreCentre culturel de Nivelles (Belgique)
du 31 octobre au 3 novembreLe Foyer – Centre culturel de Perwez (Belgique)
le 29 novembreCentre culturel de Gerpinnes (Belgique)
les 14 et 15 décembre
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