Comédien, danseur, chanteur, Olivier Normand a le goût des métamorphoses et officie également parmi les divines créatures divas de chez Madame Arthur. Avec Vaslav, il fait un pas de côté et s’aventure en solo dans un cabaret de son cru, exquis d’élégance et de délicatesse. Un pur moment de grâce.
C’est dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint-Denis, festival foisonnant dédié à la vitalité de la danse contemporaine actuelle que l’on découvre ce solo plein de charme et de paillettes avant sa programmation dans un autre festival, estival cette fois, Paris l’été. Olivier Normand est danseur justement mais il fait aussi parti depuis quelques années déjà de la fabuleuse troupe des créatures chez Madame Arthur, cabaret rougeoyant historique de la rue des Martyrs, le plus ancien cabaret de France, apprend-on dans le spectacle.
Avec Vaslav, du nom de son avatar travesti, ce bel artiste déploie sa gamme de tonalités, un répertoire choisi avec soin dans un éventail de morceaux et chansons d’hier et d’aujourd’hui. C’est une invitation au voyage et il nous le dit de sa voix douce et accueillante juché sur des talons de 12, robe fourreau de velours noir soulignant sa silhouette longiligne, bracelets, colliers, bagues et breloques de circonstance, parure affriolante surmontée d’un adorable béret de marin. Vaslav est sublime et sa beauté n’a d’égale que la bienveillance qu’il déploie en préambule pour créer non seulement du lien mais un cocon où tout le monde se sent bien. La « Captatio Benevolentiae » invoquée fonctionne à merveille, d’emblée on est fasciné, par son apparence de diva gracieuse et sculpturale, par son adresse au public, toute en poésie et drôlerie mêlées, une touche de préciosité qui passe crème et une aura à nulle autre pareille. Vaslav est le charme incarné. Et l’audience le lui rend bien, réactive, enthousiaste, conquise, aussi généreuse que lui. La salle est comble soit dit en passant. La pluie n’a démotivé personne et comme un ange qui vient se poser là en conclusion radieuse des Rencontres chorégraphiques du 93 autant qu’en « queue de comète » de la manif du jour, comme il le formule avec un sens de l’image qui s’épanouira lors de chaque intermède parlé, Vaslav est un mélange délectable de tact et d’humour.
Seul au plateau, s’accompagnant lui-même d’une shruti box, instrument indien signifiant littéralement boîte à musique, un genre d’harmonium à soufflet aux sonorités venues d’ailleurs qui nous entraînent en territoire de folklore et de ports, Vaslav navigue dans un répertoire populaire allant de Serge Gainsbourg à Brigitte Fontaine, de Jane Birkin à Bob Marley en passant par Caetano Veloso et Nirvana. Et ponctue son programme de touches de musique savante, avec ce chant médiéval du XIIIème siècle emprunté aux chansons de troubadours ou cet air de Monteverdi en latin. L’ensemble trouve paradoxalement une homogénéité liée à des choix d’interprétation sobres et singuliers qui jamais ne cherchent à calquer l’original. Olivier Normand y révèle une belle aisance technique, du souffle à revendre, un grand éventail vocal, un spectre large qui le fait côtoyer les aigus birkiniens d’un Babe Alone in Babylon ou les Cucurrucucú paloma de Veloso en alternance avec un timbre plus grave qui déploie ses harmonies mélancoliques. Son dévolu porte sur des artistes phares de la musique et de la chanson à textes mais pas forcément sur les titres les plus attendus et sa traversée est d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas convenue.
Entre ses envolées vocales, il nous parle à tu et à toi, intime mais jamais familier, cite Roland Barthes et Jean Genet, évoque Pina Bausch et sa théorie à propos de Kurt Cobain et son orientation sexuelle. Son medley nirvanesque est d’ailleurs un sommet. Tout est fin, et drôle, et délicat, et élégant. Et la guirlande d’anecdotes servies sur ce plateau qui brille de mille feux nous rappelle à quel point frivolité n’est pas futilité. Avec Vaslav, Olivier Normand invente un concept : le cabaret érudit. De la haute couture poétique qui l’habille de mots et de notes et nous étoile les oreilles autant que les yeux.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Vaslav
Conception et interprétation Olivier NormandSon Pablo Da Silva
Lumière Vincent Brunol
Regard dramaturgique Anne Lenglet
Robe Hanna Sjödin
Production et accompagnement au développement : La Compagnie
Accueil en résidence de plateau : Performing Arts Forum Le LoKal
Accompagnement à la diffusion : Margot Quénéhervé, Bureau Retors ParticulierDurée 1h
Le 15 juin 21h
Echangeur dans le cadre des RCI93Le 8 juillet à 21h au Train Bleu dans le cadre de la journée Rainbow Day & Night – AVIGNON OFF
Les 9 et 10 juillet
à 20h dans le cadre de Paris l’été 2024
Au Lycée Jacques Decour
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !