Que le fascisme et les héritiers de la politique nauséabonde de Franco se tiennent à carreau, Agnès Mateus est dans la place et ça va saigner ! Si le franquisme bouge encore, l’artiste catalane qui ne fonctionne pas à la demie-mesure et s’empare de sujets chocs et forts, aux prises avec l’époque et la société, l’attrape par le col pour lui faire la peau, le passe à la moulinette de sa machine à laver le linge bien sale mais surtout, le regarde droit dans les yeux pour mieux le débusquer dans ces ersatz cachés. Troisième volet d’une trilogie consacrée à la violence, après Hostiando a M qui traitait des violences policières et “Rebota rebota y en tu cara explota” qui abordait les violences faites aux femmes, “Patatas fritas falsas” s’attaque à la violence politique, en l’occurrence celle des extrêmes. Seule en scène, la performeuse, héritière de la radicalité de son confrère Rodrigo Garcia, déploie une énergie qu’elle a phénoménale, à l’image de son humour, ravageur, et de sa colère, entière.
Avec son complice Quim Tarrida à la genèse du projet et à la mise en scène en binôme, Agnès Mateus au plateau ne mâche pas ses mots, elle joue comme on risque sa vie dans une implication totale et radicale comme pour mieux crier l’urgence de la situation. Alerter sur ce qui nous pend au nez. Sous le drapeau franquiste qui s’étale, monumental et effrayant, dans toute la largeur de la scène, elle dénonce avec véhémence les conséquences de quarante années de dictature, l’immobilisme et l’inertie des foules, la banalité du mal, le mépris et l’intolérance qui se répandent comme traînée de poudre. C’est un geste artistique sans concession et le poing levé, une performance pluridisciplinaire et provocatrice, qui réveille et mobilise dans la prise de conscience générée. Oui, les dégâts du franquisme sont toujours là, ils sommeillent au cœur des institutions, des discours racistes à peine déguisés, des frontières étanches et de l’inhospitalité ambiante, dans la peur de l’autre et le dédouanement des responsabilités, dans l’absence d’empathie, la crise de la culture et les trous de mémoire. Oui, il y a de quoi être inquiet.
Alors Agnès Mateus et Quim Tarrida, à défaut de prendre les armes, s’emparent du plateau de théâtre comme on fait un coup d’état et avec éclat mettent le feu aux poudres en un spectacle fracassant et galvanisant, aussi drôle que glaçant. Si les patates frites sont fausses, les carottes ne sont pas cuites pour autant, Franco n’est qu’une marionnette, un enfant capricieux et ridicule qui débite post mortem ses inepties insupportables et narcissiques. Oui, il est temps de réagir encore et toujours, de raviver la mémoire des traumatismes de l’Histoire, de ne pas baisser les bras face à la montée des extrémismes, du mépris et du repli sur soi, de se dresser, debout et confiants, contestataires et grands, contre la propagande haineuse et insidieuse. L’art comme étendard, outil de lutte et contre-pouvoir.
Patatas fritas falsas
De et mise en scène Agnés Mateus et Quim Tarrida
Avec Agnés Mateus
Scénographie Quim Tarrida
Son et video Quim Tarrida
Régisseur général et lumière Laura Morin
Création lumière Quim Tarrida et Carles Borràs
Régie technique et son Sergio Roca
Assistant mise en scène Marta Gon
Photographie Quim Tarrida
Céramique Anna Benet
Costumes Teresa Melgosa
Traduction et sous-titres Marion CousinPatatas Fritas Falsas a été créée le 4 mai 2022 au TNC-Teatre Nacional de Catalunya.
Coproduction TNC-Teatre Nacional de Catalunya, Antic Teatre, Konvent (Berga) et A.Mateus & Q.Tarrida
avec le soutien de l’Institut Ramon LlullDu 10 au 16 janvier 2025
Théâtre de la Bastille, Paris
le samedi à 18h
Relâche les 12 et 13 janvier
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