Une nouvelle fois, Cédric Roulliat déploie son esthétique lumineuse, volontairement datée et très maitrisée dans un spectacle léger, trop léger, hommage à une ancienne vedette de music-hall.
Depuis 2017 et Ultra-girl contre Schopenhauer , Cédric Roulliat parvient à transposer sur un plateau de théâtre la qualité visuelle du (très bon) photographe autodidacte qu’il est. Des couleurs éclatantes, une composition millimétrée et des décors quasi hollywoodiens alors qu’ils sont dénichés bien souvent à Lyon où il vit. « Et maintenant, chers spectateurs » est sa quatrième pièce et si elle est joue sur les mêmes ressorts que les précédentes, elle n’en a pas toujours la densité. Maximilliana est une vedette des Trente Glorieuses, elle anime un show qu’elle ne veut pas lâcher, mal adaptée au nouveau monde et tentant de faire un duplex le réseau social Tac tac mais en s’embrouillant entre les barrières numériques successives (mot de passe, confirmation par un code etc). Drôle malgré elle, elle s’emploie aussi à répondre au courrier de ses admirateurs conservé dans un sac des PTT pas ouvert depuis les années 70.
Tout est suranné et contribue à cette esthétique épatante. Les robes, les perruques, le maquillage, le décor or et argent, les lumières : tout converge à recréer ces décennies passées telles que le divertissement les transformaient. Le vocabulaire aussi s’est figé. On y entend « flute » pour un manquement, « rapido presto », la pub vente les bienfaits de la cigarette au menthol. C’est le fils de cette diva (David Bescond, de tous les spectacles de Cédric Roulliat) qui va interpréter les numéros dont l’un avec son mini-moi en marionnette pour un joli moment crépusculaire. Car, comme à chaque fois, il y a dans le travail du metteur en scène, une noirceur que nous renvoie, sarcastique le Gabor en bois : « vous allez tous mourir ».
Cédric Roulliat rattrape avec ses créations ce monde évanescent qui ne subsiste plus qu’au théâtre, loin des contingences du monde – Mai-68 n’est cité que parce que ça a contraint son héroïne à manquer 12 émissions sur les 10 000 qu’elle a au compteur. Le propos n’est pas de dresser le portrait politique d’une époque mais celui de préserver un refuge qui n’existe plus. Dommage alors que les différentes parties soient trop peu développés car il est difficile de s’attacher à l’une ou l’autre de situations comme cela avait été possible avec « Josie Harcœur » en 2020 et peut-être surtout « Je suis une femme actuelle », avec déjà la comédienne Barbara Galtier. La plongée dans la mémoire de la diva donnait une étrangeté à son personnage diluée ici dans une multiplication de séquences à l’écriture sans vrai relief.
Ce spectacle procède par touches, parfois réussies comme la vraie fausse dispute de la mère et du fils autour de « Bernard, non Bertrand » Belin), parfois moins (la séquence du bruitage avec des verres d’eau ou celle évoquant Pina Bausch). Roland Barthes et ses écrits sur le music-hall à propos de quoi « la variété n’est pas une simple technique de distraction mais une condition de l’artifice » passent par là, quelque peu saupoudré comme la citation de 2001 l’Odyssée de l’espace. Reste une mielleuse fable sur une époque révolue et qui l’était probablement déjà au temps de sa splendeur. C’est tout le charme et les limites mêlées de ce spectacle.
Nadja Pobel – www.sceneweb.fr
Et maintenant, chez spectateurs
Texte, mise en scène Cédric Roulliat
Avec David Bescond, Barbara Galtier
Musique Laurent Péju
Lumières Hélène Quintard
Environnement sonore Baptiste Tanné
Scénographie Caroline Oriot
Chorégraphie Valentin Regnault
Perruques et coiffure Pascal Jehan
Administration Anne-Charlotte Maillot
Compagnie de Onze à trois heuresDurée : 1h
Au Théâtre de la Renaissance – Oullins
Du 5 au 9 mars 2024
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